Telle est la devise des cinq frères Khamzaev, arrivés à Niort il y a dix ans en provenance de Tchéchénie et piliers assidus au club de boxe depuis 2010.

 

 

 

Aujourd'hui, l'histoire est belle à raconter. Au sous-sol de la salle Barra, dans le petit local dédié aux boxeurs du CL Niort, tout le monde connaît les frères Khamzaev. « Les trois aînés (Timour, Tidiran et Akram, NDLR) sont arrivés au club avec leur père se souvient Patrick Armand, l'entraîneur du club niortais. Ils ne parlaient pas un mot de français, n'avaient pas d'argent mais voulaient faire de la boxe. On les a aidés à débuter. Oumar, le quatrième, s'asseyait dans un coin sans faire de bruit et regardait ses frères. Le dernier, Abdoul, est né quelques semaines après et a rejoint les autres plus tard. Ce sont des gamins super-bien élevés, des bosseurs, dans une famille hyper-unie ».

 

"C'est sur le ring que tu prouves ce que tu es"

 

Leur passion pour la boxe prend ses racines en Tchétchénie, ce pays du Caucase du Nord théâtre de deux conflits sanglants orchestrés par les troupes de Vladimir Poutine. « Là-bas, notre père nous entraînait régulièrement à mains nues car on n'avait rien. C'était pour nous apprendre à nous défendre en cas de besoin », raconte Akram, 18 ans, qu'aucun amateur ne veut plus défier sur un rang dans la région tant son punch et son énergie sont redoutés. Au point que Patrick Armand songe à le faire passer pro de manière précoce, pour lui trouver enfin des adversaires. Il y a dix ans, la famille Khamzaev, issue de la campagne tchétchène, a galéré pour s'extraire de cette zone où l'insécurité a perduré jusqu'en 2009. « Au total, on a mis cinq jours pour arriver à Strasbourg, en voiture et en train, mais aussi à pied pendant trois jours dans des montagnes. Et au début, c'était difficile en France car on ne parlait pas la langue et on n'avait pas d'argent », ajoute Akram dans un français aujourd'hui parfait qui lui permet d'effectuer un stage de vendeur de voitures chez Renault dans le cadre d'un bac pro en alternance. En France, ils ont constaté avec étonnement que les constructions à plus d'un étage n'étaient pas réservées aux très riches, que les routes et les rues étaient goudronnées partout et que tout le monde pouvait avoir accès à la télévision. « C'est en regardant la télé en France qu'on a découvert la boxe et ça nous a donné envie d'aller pousser la porte du club », poursuit Tidiran, 20 ans. « Un véritable rouleau compresseur sur le ring », selon Patrick Armand, qui lui a trouvé un travail à l'abattoir de Sainte-Eanne. La fratrie, toujours extrêmement motivée, squatte le club de boxe niortais chaque soir de la semaine, avec idée en tête que l'essentiel se joue sur le ring. « C'est là que tu prouves ce que tu es. En dehors, ça n'a aucune valeur », affirme Akram le plus sérieusement du monde. « Ils ne ratent jamais un entraînement ; Il faut même les freiner car ils remettent ça ensuite chez eux… Ils ont faim de sport, ils veulent être champions », constate Patrick Armand. Et pour finir, on retiendra cette réponse de Timour qui a fusé lorsque nous lui avons demandé de se projeter dans l'avenir. « J'espère qu'un jour, l'un de nous cinq sera sélectionné aux jeux Olympiques pour défendre les couleurs de la France ». Nous aussi, on le souhaite pour eux pour eux, car ces cinq-là sont bien placés pour savoir que l'espoir fait vivre.

 

 

> Timour, 22 ans, welter (69 kg), 20 combats (11 victoires, 9 défaites).
> Tidiran, 20 ans, welter (69 kg), 13 combats (7 victoires, 6 défaites).
> Akram, 18 ans, plume (56 kg), 13 combats (9 victoires, 1 nul, 3 défaites).
> Oumar, 14 ans, coq (51 kg), a gagné son premier combat à Royan le 30 avril dernier.
> Abdoul, 10 ans, boxe éducative (14 assauts, 14 victoires).

 

Par Philippe Jounier

 

Source : La Nouvelle République