Le champion olympique (2 v) a dû s’employer pour vaincre aux points, à l’unanimité des juges (59-56, 60-54, 58-56), le solide américain Jonathan Rice (7 v, 1 n, 3 d), le 14 octobre, sur le ring du Zénith de Paris.

Le Californien avait promis qu’il tenterait sa chance et qu’il ferait la guerre au héros des Jeux de Rio. Il a tenu parole. Certes, le premier round fut traditionnellement celui de l’observation au cours duquel les deux gladiateurs, prudents, se sont jaugés avec leur bras avant en protection. L’affaire a commencé à se décanter dans le deuxième opus quand l’Américain a passé par deux fois sa droite. En dépit de son allonge supérieure, le Français avait tendance à partir d’un peu trop loin, si bien que son bras arrière n’avait pas toujours l’impact voulu.





Heureusement, ses jabs du gauche maintenaient son contradicteur à bonne distance mais on devinait néanmoins qu’il avait du mal à se libérer et à enchaîner, bref à faire étalage de sa technique à l’évidence largement plus étoffée. Les débats se déroulaient parfois sur un faux rythme qui voyait le pugiliste de Los Angeles, plus lourd de dix-sept kilos, charger sporadiquement comme un taureau, dans un style certes très peu académique, en délivrant fréquemment des coups larges à la godille. Sans compter, un petit pas de dance à la Mohammed Ali, histoire de narguer son rival et de chauffer le public, lequel n’en avait nullement besoin et hurlait « Tony Bomayé ! », toujours en référence à The Greatest.





L’Yvelinois ne s’en laissait pas compter et répondait présent dans des corps à corps musclés. Puis, dans la deuxième partie de la confrontation, il acceptait franchement la bagarre avec sa main gauche un peu basse en sortie d’échange. En revanche, sa plus grande précision autant que son activité supérieure lui permettaient de conforter son avance sur les bulletins des juges. Dans la sixième et dernière reprise, un direct du gauche d’école envoyait le visiteur au tapis mais celui-ci n’était pas compté, l’arbitre estimant qu’il avait trébuché. Qu’importe car le Francilien donnait alors la pleine mesure de son formidable potentiel et enfonçait le clou avec fougue et, parfois, brio.
« Tony est simplement à son niveau par rapport à sa jeune expérience chez les professionnels »
Sa performance d’ensemble contre un pugiliste qui n’était pas venu pour se coucher, c’est le moins que l’on puisse dire, doit être analysée non pas en valeur absolue mais à l’aune de son auteur. C’est en tout cas l’avis de Dominique Nato, ancien DTN et champion de France professionnel des lourds : « A mes yeux, sa prestation n’est pas décevante. Tony est simplement à son niveau par rapport à son projet sportif et à son plan de carrière chez les professionnels. Le combat a été équilibré face à un homme de valeur, plus lourd et plus expérimenté devant lequel il était difficile de briller. On lui a reproché, pour son premier combat chez les pros, d’avoir rencontré un adversaire inconsistant. Là, il a affronté un adversaire solide qui lui a posé des problèmes lors de certaines phases du combat. Mais, dans l’ensemble, grâce à ses qualités de vitesse et de déplacement, Tony s’en est bien sorti. C’est lui qui a été à l’initiative des actions les plus probantes, notamment en contre-attaque. Sa victoire ne souffre d’aucune contestation. »





Reste que le Tricolore a, évidemment, beaucoup de pain sur la planche : « Ce combat va lui permettre d’évaluer le chemin qu’il lui reste à parcourir par rapport aux objectifs qu’il s’est fixés et de définir avec son staff les thèmes sur lesquels il doit travailler pour y parvenir. Il a par exemple encaissé quelques coups qui étaient heureusement en bout de course et qu’il faudra éviter au niveau supérieur. C’est grâce à ce genre de confrontation qu’il va mûrir, apprendre et acquérir de l’expérience pour passer les paliers vers le plus haut niveau. Il a la classe, du talent et des qualités naturelles qu’il doit encore développer pour optimiser son niveau de performance. Il reste du travail. Tony est un garçon intelligent qui sait où il en est et où il veut aller. Faut-il rappeler que même s’il a pris une dimension de star en devenant champion olympique l’an dernier à Rio, c’est un jeune boxeur professionnel qui ne compte que deux combats et à qui on ne fera aucune concession ! »
Par Alexandre Terrini
Mise en ligne par Olivier Monserrat-Robert
Crédit photo : Karim de la Plaine