Il s’en est fallu de très peu pour que l’Alsacienne (8 v, 2 n, 3 d) ne détrône la championne du monde WBA et WBC des plumes, la Canadienne Jelena Mrdjenovich (37 v, 10 n, 2 d), le 1er juillet, devant son public de Schiltigheim. Malheureusement pour elle, les juges en ont décidé autrement et ont décrété un match nul fort contestable (96-94, 95-95, 94-96).

Avouons-le, elle ne cesse de surprendre, au mépris du poids des ans auquel elle semble hermétique. A trente-sept printemps, la Strasbourgeoise, transfuge de la boxe pieds-poings, rappelons-le, et qui n’a débuté sa carrière professionnelle en anglaise qu’en 2011, a encore étonné son monde devant Jelena Mrdjenovich, Canadienne d’origine serbe, démolisseuse de son état car dotée d’une force de frappe impressionnante, en particulier avec son crochet gauche dévastateur. La Française, elle, est plutôt tout l’inverse. Battante, certes, mais n’étant jamais autant à son aise que quand il faut jouer au plus malin sur le ring, en contre-attaquant dans l’attaque, en esquivant au dernier moment, en effectuant le pas de retrait qui met dans le vent l’adversaire. Bref, en faisant parler sa technique et son intelligence pugilistes aux dépens de la force pure. Seulement voilà, nombreux étaient ceux qui croyaient que la puissance finirait par triompher de l’esthétique technico-tactique. Que nenni !

Dix rounds durant, Stéphanie Ducastel n’a pas failli. D’abord défensivement, gardant les mains bien hautes, ne se découvrant jamais inconsidérément. Physiquement ensuite car c’est incontestablement elle qui a fini le duel le plus fort en marchant sur la tenante quelque peu émoussée et lasse de ne pas avoir trouvé la solution qui lui eut permis d’abréger les débats. Tactiquement enfin, en parvenant à enrayer la machine infernale nord-américaine au gré de feintes opportunes, de remises dans le temps et d’offensives judicieuses ne mêlant nullement vitesse et précipitation.
Une revanche pas impossible
Dans ces conditions, pourquoi s’est-elle inclinée sur le fil ? Parce que la championne, à défaut de se montrer la plus précise et la plus efficace, a été un chouia plus active quand bien même ses coups étaient-ils fréquemment bloqués ou assénés dans le vide. Si la challenger a été celle qui a touché le plus nettement, elle n’en a sûrement pas assez fait pour rallier l’ensemble du corps arbitral, les officiels de la WBA et de la WBC ayant eu visiblement du mal à accorder leurs violons dissonants. Un scénario souvent synonyme de bienveillance à l’égard de celle qui détient le titre. Enfin, il n’eut pas été scandaleux que l’arbitre se montrasse plus sévère en sanctionnant d’un avertissement Jelena Mrdjenovich, auteur de trop nombreuses irrégularités avec sa tête et ses coudes à chaque fois qu’elle ne réussissait pas ce qu’elle entreprenait.

Reste que tout n’est pas perdu pour la Tricolore car le camp de la Canadienne ne serait pas hostile à une revanche qui permettrait de solder les comptes et de désigner la meilleure. Certes, l’affaire aurait lieu, cette fois, outre-Atlantique, faute de moyens pour organiser de nouveau le match retour dans l’Hexagone. Mais qu’importe, la Strasbourgeoise, qui ne songe absolument pas à raccrocher les gants, est prête à relever le défi, consciente qu’elle a les moyens de s’offrir un grand bonheur aux allures de couronnement. Pour cela, il va lui falloir forcer sa nature et se résoudre à davantage foncer dans le tas, à être cette destructrice que par tempérament elle s’est toujours refusée à être. Mais quand la fin justifie les moyens…
Par Alexandre Terrini