Le Français (5 v) a bien négocié l’obstacle David Allen (13 v, 2 n, 4 d). Le valeureux mais très limité Anglais a été battu par arrêt de l’arbitre (10e), le 23 juin, au Palais des Sports de la Porte de Versailles, à Paris. La suite immédiate dépend désormais du prochain verdict de l’AFLD.

C’est le revers de la médaille des stars proclamées et annoncées. Lors de leurs premières sorties entre seize cordes, elles ont toujours bien plus à perdre qu’à gagner. A fortiori quand l’opposition commence à devenir consistante et donc crédible. Ce qui était le cas devant ce fantasque sujet de Sa Gracieuse Majesté qu’est David Allen, dépressif, accro repenti au jeu et accessoirement 105e mondial à l’officieux classement planétaire du site BoxRec. Même s’il ne fait donc pas partie du gotha de la catégorie, le natif de Doncaster est un dur et un laborieux, pas du genre à être effrayé par le pedigree de ses adversaires, lui qui a tenu la limite devant Dillian Whyte et affronté le Cubain Luis Ortiz. Bien sûr, il présente tous les stigmates de l’ouvrier des rings en quête de gloire et de rédemption : du courage à revendre, de la vaillance, des qualités d’encaisseur nettement au-dessus de la moyenne et… une surcharge pondérale qui confirme son manque d’ascétisme supposé.
Le petit qui charge, le grand qui le maintient en respect
Voilà donc à quoi avait affaire Tony Yoka, plus haut sous la toise de dix centimètres (2,01 mètres contre 1,91 mètre) et nettement moins lourd (109 kilos de muscles contre 118 kilos de muscles mais pas que…). Le petit qui charge tel un White Rhino (Rhinocéros blanc) - surnom dont le visiteur s’est affublé - et le grand qui le maintient en respect avec son bras avant, tantôt en direct ou en jab, pour mieux enchaîner avec sa droite en contre ou plongeante : tel était le scénario écrit d’avance.

Au moment de lâcher les chevaux, le champion olympique avait le masque. Sans doute que son audition, suite à ses trois no shows, devant l’Association française de lutte contre le dopage (AFLD), trois jours plus tôt, et l’incertitude quant à la suspension qui l’attendait y étaient pour quelque chose. L’Anglais, qui avait fait son apparition dans un superbe peignoir orné de roses et affublé d’un béret rouge, se montrait placide, encaissant sans broncher les uppercuts et autres du Français. Le faux rythme du premier round se prolongea quelque peu mais l’Yvelinois commença à prendre l’ascendant grâce à ses accélérations et à sa vitesse de bras supérieure. Les conseils de sa femme, Estelle Mossely, étaient les bons : allonger ses coups et sortir immédiatement après avoir touché pour ne pas se laisser engluer par le mastodonte d’outre-Manche. David Allen n’avait rien d’éblouissant. Il avançait tête ostensiblement en avant, s’accrochait dès que la température montait et, surtout, s’appuyait de tout son poids sur son rival afin de le contraindre à dépenser de précieuses forces pour le repousser.

Il y avait assurément plus d’une classe d’écart entre ces deux-là. Lorsque le visiteur s’employait à marteler frénétiquement les flancs du Francilien en lui assénant, au passage, quelques coups sur la nuque et derrière la tête, histoire de pourrir un peu plus les échanges, Tony Yoka s’efforçait, de son côté, de ne pas se départir des fondamentaux du noble art. Ses séries faisaient le plus souvent mouche. L’essentiel n’était un mystère pour personne : la bonne distance, c’est-à-dire, déclencher d’assez loin pour le Français et de très prêt pour le Britannique. A ce jeu de fuis-moi, je te suis, l’élève de Virgil Hunter se montrait le plus fort mais ni ses droites en piston ni le reste n’ébranlaient son contradicteur toujours aussi stoïque.
« J’ai voulu montrer que j’avais du cœur »
A l’appel de la septième reprise, l’ancien champion du monde amateur, très vigilant défensivement avec ses mains bien hautes, réclamait le soutien du public. Il l’obtenait comme si les spectateurs tenaient à saluer sa persévérance et son évidente volonté de bien faire. Et puis vint l’ultime round. Comme par miracle, l’Artiste donna enfin libre cours à son talent et passa la surmultipliée. Jusque-là si résistant, David Allen, face à l’ouragan qui s’abattait sur lui, baissa la garde puis pavillon au point de contraindre l’arbitre à arrêter les frais avant terme.

Fort de cet inespéré succès avant la limite, le Français pouvait légitimement laisser éclater sa joie. Dans des circonstances psychologiquement peu évidentes, il avait plus que fait le métier. « J’ai voulu montrer que j’avais du cœur et que j’étais capable d’aller chercher au plus profond de moi, que j’avais toujours cet instinct de tueur au bout de dix rounds, analysait-il, ensuite, au micro de Canal+. Je ne voulais pas gagner aux points. Quand je suis rentré dans mon coin à la fin du neuvième, je me suis dit que c’était maintenant ou jamais. On ne va pas se voir pendant un petit bout de temps mais je sais que vous êtes là et que vous allez continuer à me soutenir. »
Par Alexandre Terrini
Mise en ligne par Olivier Monserrat-Robert
Crédit images - Karim de la Plaine - Ringstar