Le Français (40 v, 6 d) a été injustement battu aux points, sur décision partagée (116-112, 115-113, 111-118), le 21 juillet, à Moscou, par le Russe Fedor Chudinov (18 v, 3 d), détenteur du titre WBA international des super-moyens. Pourtant, c’est bien lui qui, par sa classe, a dominé de bout en bout un duel maîtrisé de main de maître.

L’Azuréen n’ignorait nullement le risque qu’il prenait en allant tenter sa chance jusqu’à Moscou, contre un homme qui ne pouvait pas se permettre de perdre sa ceinture qu’il défendait pour la deuxième fois. Et qui s’était incliné, en 2016 et 2017, face aux deux seuls pugilistes de valeur mondiale qu’il avait rencontrés, en l’occurrence Felix Sturm sur le déclin et George Grove, lui, en pleine ascension. Devant le Tricolore, Fedor Chudinov passait donc un vrai test. Le protégé de Nasser Lalaoui aussi.
Au terme d’une entame quelque peu timide qui le voyait laisser la possibilité à son rival d’enchaîner et de passer ses larges crochets du droit après avoir donné son direct du bras avant, l’enfant de Gardanne commençait, fidèle à son habitude, à réciter sa partition cousue de fil blanc. Elle consistait à être toujours en mouvement et donc jamais à la même distance que son homologue, à désaxer sans cesse avec le buste et à frapper dans toutes les positions, à la fois pour dissuader le tenant de le cadrer et le surprendre. Les esquives rotatives et les retraits du tronc d’Iron Djib faisaient merveille et empêchaient l’infortuné Russe, bien trop prévisible dans ses combinaisons, de parvenir à ses fins.
Une escrime du poing inspirée
Le reste était affaire d’inspiration et de vitesse de bras. Dès la troisième reprise, le Sudiste mettait le champion dans le vent en dédoublant ses gauches, en passant des droites tout en tournant et, surtout, en délivrant des uppercuts à satiété. Un véritable récital comme il en est capable lorsqu’il demeure vigilant défensivement. Ce qui était le cas au Palais Olimpiyskiy. Plein de bonne volonté, le natif de Bratsk n’avait d’autre choix que de durcir les débats en avançant sans discontinuer et de placer des coups lourds des deux mains.
Mais les ralentis de la télévision, à chaque minute de repos, révélaient le chemin de croix qui était le sien : certes, Fedor Chudinov donnait bel et bien l’impression d’être le plus actif mais également… le moins efficace car le moins précis. La plupart de ses offensives trouvaient le vide ou, au mieux, s’échouaient en bout de course. De son côté, l’ancien champion de France des mi-lourds réussissait tout ce qu’il entreprenait ou presque. Sa boxe recelait une remarquable diversité, en particulier lorsqu’il touchait au corps sur un pas avant de remonter, dans la foulée, à la face sans pour autant rester statique. Son secret était de ne pas refaire deux fois de suite la même chose, histoire que son courageux contradicteur ne puisse trouver ni l’ouverture ni ses repères. Une escrime du poing inspirée qui mettait encore plus en valeur les carences du Russe, incapable de trouver la solution pour parer des attaques initiées, de surcroît, avec de perpétuels changements de rythme.
Éviter la voie de la facilité
Las, c’est d’ailleurs lui qui reculait dans le cinquième round et le visiteur qui marchait gaillardement sur lui mais en prenant des chemins de traverse, lesquels officiaient comme d’imparables leurres. En effet, le Français prenait soin d’éviter la voie de la facilité qui eut été de travailler en ligne et, ainsi, de s’exposer. Il fallait qu’il fût une cible mouvante. Ce qu’il était au grand dam de son opposant visiblement désemparé… et de plus en plus marqué aux arcades sourcilières. Signe que les rounds passaient et que le scénario était immuable.
C’est le Gardannais qui marquait de son emprise un duel tout au long duquel il ne se désunissait pas, ni gestuellement ni physiquement, et veillent à ne point déroger à son plan de bataille. Le tout mâtiné du zest de vice nécessaire à ce niveau, par exemple les rares fois où il avait la lucidité de s’accrocher afin d’endiguer les charges de taureau du local, lequel n’avait plus que ce piètre recours pour tenter vainement de limiter les dégâts. Dans ces conditions, la teneur du verdict était une évidence qui sautait aux yeux. Sauf à ceux de deux juges. Mais l’adage est connu : il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Les deux seuls adversaires que Nadjib Mohammedi n’était pas en position de pouvoir terrasser durant sa campagne de Russie.
Par Alexandre Terrini
Par Alexandre Terrini
Crédits photos : Denis Boulanger - Presse Sports