Devant le public de Roland-Garros, le Tricolore (21 v, 1 d) est devenu champion d’Europe des mi-lourds, le 10 septembre, en dominant, par abandon à l’appel de la huitième reprise, le Russe Igor Mikhalkin (24 v, 3 d). Une sacrée performance, l’air de rien.
Une bise à son entraîneur et mentor, Mohamed Nichane, et le gong libérait les deux duellistes. Le fausse-garde nordiste entamait les hostilités de la meilleure des manières avec sagesse, mesure et efficacité. Patient sans être attentiste, il se positionnait en patron sur le ring, prenant l’initiative sans se jeter. C’est d’ailleurs lui qui plantait les premières banderilles avec son crochet lourd du bras arrière. Mais avant d’en arriver là, il soignait ses préparations d’attaques en jabs et en directs du droit.
Toutefois, il en fallait plus pour ébranler le visiteur qui esquivait et se montrait suffisamment varié dans ses déplacements pour empêcher le Français de déclencher à bonne distance avec une réelle assise sur ses appuis. Le Sibérien remisait même sporadiquement. Néanmoins, dès qu’il commettait l’erreur de coller le médaillé olympique de Rio, la sanction était immédiate : ce dernier faisait parler sa puissance dévastatrice.
Cependant, la chose était un tantinet trop rare pour que l’Héninois prenne nettement l’ascendant. Inversement, lorsque il se laissait quelque peu endormir par le natif d’Irkoutsk, comme dans le quatrième opus, il s’exposait aux contre-offensives de son rival qui, à défaut de combiner, faisait mouche sur une ou deux tentatives. Limpides, les débats se déroulaient sur un faux rythme et l’ami Mikhalkin se montrait plus que jamais fidèle à lui-même : jamais transcendant mais doté d’une réelle faculté à anesthésier ses contradicteurs pour mieux resurgir au moment où l’on ne l’attend pas, voire plus.
« Avant de prétendre disputer un championnat du monde, il faut avoir les armes nécessaires »
Seulement voilà, en face de lui, il y avait un sacré frappeur en la personne du Tricolore dont les poings sont réputés pour être des enclumes ou des parpaings au choix. Et même s’il eut aimé en faire un usage plus conséquent, Mathieu Bauderlique causait, l’air de rien, des dégâts à chaque fois qu’il dégainait et que ses assauts arrivaient à destination. Au fil des minutes, l’emberlificoteur Russe baissait pied et se montrait moins fringuant défensivement, comme laminé de l’intérieur. Au point de devoir renoncer à l’orée du huitième round, la mâchoire probablement cassée et l’œil droit mal en point. Des blessures qui disaient tout de l’entreprise de démolition savamment menée par l’ex-membre de la Team Solide qui se hissait avec aplomb sur le toit du Vieux continent.
A sa plus grande joie et en toute modestie : « Un combat ne se déroule jamais comme l’on veut. J’aurai voulu finir autrement, d’une meilleure façon, sur un KO. Je sentais qu’il commençait à descendre de rythme, à tirer la langue et à devenir prévisible. Je l’aurais eu à l’usure. J’ai encore beaucoup de défauts à corriger, notamment mon caractère sanguin et les moyens de défense. Je suis un peu trop généreux et cela peut être dangereux. Il y a des coups à ne pas prendre devant des puncheurs. Heureusement, Mikhalkin n’en est pas un. Je suis fier de ramener la ceinture à la France, à ma région, à ma ville, à mon club, à mes coachs et à ma famille. Cela va m’ouvrir des portes pour la suite mais piano, piano. Je vais prendre mon temps. J’ai encore beaucoup à apprendre dans mon métier. Avant de pouvoir prétendre disputer un championnat du monde, il faut avoir les armes nécessaires. Je vais rester patient et déjà régner en Europe. Ce ne sera pas mal. »