Averti seulement une semaine avant l’échéance, contraint de se délester de cinq kilos pour faire la limite, le Français (17 v) ne s’est pas démonté et a relevé le défi de façon magistrale : il est allé s’emparer de la ceinture continentale vacante des super-moyens en battant, par arrêt de l’arbitre (6e), le géant anglais Jack Cullen (20 v, 1 n, 3 d), le 18 décembre, à Manchester. Respect.
Il ne parle pas beaucoup, dit ce qu’il fait, fait ce qu’il dit sans forfanterie. Cela vous pose un bonhomme. Car c’en est un que rien n’effraie. Il avait averti que les presque vingt centimètres (1,91 mètre contre 1,73 mètre) d’écart qui le séparent de son opposant ne l’inquiétaient guère. Une différence de taille qui avait au moins le mérite de ne pas avoir à gloser cent sept ans sur le plan de bataille à adopter. A savoir, avancer encore et encore mais intelligemment, c’est-à-dire en créant un maximum d’incertitude, d’une part, par une alternance systématique des zones de frappe et, d’autre part, par une mobilité du buste le rendant plus difficile à cadrer.
Le Francilien s’est exécuté sans tergiverser. Il serait faux et, pire, partial, de claironner que tout a été simple, que sa puissance proportionnelle à ses deltoïdes à faire pâlir les accrocs des salles de muscu a transformé le chemin censé le conduire à une victoire annoncée en route pour écoliers en goguette. Car tout n’a pas été simple. Quand il était encore gaillard, au début du mano a mano, le Britannique a su tirer tout le parti de ses bras effilés et tentaculaires pour repousser le visiteur, le maintenir à distance et le toucher en crochets avant qu’il se rue sur lui.
Les jabs de l’Anglais ne ressemblaient plus qu’à des banderilles
Cependant, l’illusion fut éphémère. Il n’y avait pas besoin de faire montre d’un patriotisme de mauvaise foi pour comprendre que sauf accident, le local ne résisterait pas longtemps au pressing infernal et en bon ordre du Val-de-Marnais. Une première gauche assénée par la grande largeur à la tempe dans le round initial augurait ce qu’il allait inévitablement encourir à mesure que le duel allait se prolonger. Toujours aussi compact, le taureau du Levallois SC chargeait les mains bien hautes pour bloquer, en imposant une cadence élevée et un rythme ponctué d’accélérations. L’arbitre lui reprochait ponctuellement de se ruer le crâne en avant. Soit. Il n'empêche, de près, ses séries courtes des deux aux mains au visage faisaient merveille et mouche.

A mesure que les minutes défilaient, les jabs et autres uppercuts de l’Anglais, ouvert à l’arcade sourcilière gauche, dans la troisième, suite à un choc de têtes involontaire, ne ressemblaient plus, au mieux, qu’à des banderilles, au pire, qu’à des touchettes qui n’entravaient en rien les intentions destructrices du Tricolore qui martelait obstinément le buste du sujet de sa Gracieuse Majesté. Lequel avait un immense atout, celui de la vaillance et du courage face à une telle déferlante quand bien même lui fallait-il, lorsqu’il était acculé et ne parvenait plus à esquiver avec le tronc, accrocher, en quête d’un second souffle.
Quelques pompes, histoire de patienter…
La suite était cousue de fil blanc. Dans le carré magique, c’est très souvent en variant les cibles que l’on trouve l’ouverture. Cela n’a pas raté sur le ring mancunien. A force de viser la mâchoire de l’infortuné Jack Cullen, Kevin Lele Sadjo le contraignait à lever les coudes, en particulier le droit, et ainsi à offrir son foie en pâture. C’est comme cela qu’il le crucifia au cœur de la sixième reprise. Pétri de douleur, l’Anglais mit longtemps à se remettre sur pied. Peut-être pensait-il à ses propos d’avant-combat, quand il avait claironné que son vainqueur était « battable »… Pas par lui, en tout cas.
Le nouveau champion d’Europe acheva de faire le spectacle en enchaînant quelques pompes, histoire de patienter et de montrer qu’il avait encore pas mal d’essence dans le moteur. Tant mieux, il lui servira pour avaler le nombre décroissant de kilomètres sur la route qui le mènera à un championnat du monde amplement mérité.