Brillant double champion de France amateurs des -56 kg, l’Isérois d’adoption a impressionné par ses qualités entre seize cordes mais aussi par son état d’esprit irréprochable. Et si ce n’était que le début d’une grande carrière ?

Il était radieux à sa descente du ring toulousain, l’autre week-end, lorsqu’en clôture des finales des championnats de France amateurs masculins, il fut désigné meilleur boxeur de la soirée. « Franchement, je n’ai pas de mots. Je ne m’y attendais pas, souriait avec sincérité l’heureux élu. Cela fait plaisir, c’est la récompense du travail effectué. C’est aussi un déclic qui confirme ma progression depuis que je boxe en seniors voilà seulement trois ans. Il y a encore des petits trucs à bosser et de l’expérience à emmagasiner. »

Il n’empêche, à vingt printemps, le palmarès est déjà là : vainqueur du critérium national cadet 2011, champion de France senior 2016 et 2017 mais aussi médaillé de bronze aux championnats d’Europe juniors 2014. De quoi faire la fierté de La Réunion qui l’a vu naître et débuter ses humanités pugilistiques. Puis, au sortir de l’adolescence, il a fallu trancher : demeurer îlien ou bien voir plus loin et prendre son envol pour la Métropole. Le gamin opta pour la grandeur et élut domicile à Bourgoin-Jallieu chez celui qui devint, dixit, son « père spirituel », Papou Ouajif. Un déracinement aux allures d’accomplissement puisque le Réunionnais ne négligea pas plus son corps que son esprit comme en atteste l’obtention de deux CAP de plâtrier-peintre et de plaquiste. Depuis son entrée, l’année dernière, à l’Insep, où il suit actuellement une formation au BPJEPS, il a cessé d’œuvrer dans le bâtiment et fait le choix de se consacrer entièrement au ring.

Une option qui s’est donc avérée payante. Sa performance, à Toulouse, face au vaillant Riad Labidi le prouve. On rival n’a, en effet, rien pu faire face à son virevoltant cadet, à la fois plus mobile, précis et doté d’un bagage technique largement supérieur. « De la boxe réunionnaise, j’ai le jeu de jambes et les déplacements ; de la boxe berjallienne, j’ai les appuis, la force de frappe et l’intelligence du ring. J’ai fait un mélange des deux. Cela a pris du temps à rentrer mais je me suis beaucoup remis en question », analyse le sociétaire du Ring Berjallien qui a désormais Tokyo dans le viseur : « L’objectif final, ce sont les JO de 2020. A cet égard, les championnats de France n’étaient qu’une étape. Je n’ai donc pas l’intention de passer professionnel d’ici là. Depuis que je suis petit, mon rêve, ce sont les Jeux olympiques. J’ai été déçu de ne pas aller à Rio mais c’était Khedafi Djelkhir qui s’était qualifié… Je me suis dit que j’étais encore jeune et que j’avais le temps devant moi. »
« Aujourd’hui, il connaît sa boxe »
Papou Ouajif, le mentor, mesure le chemin parcouru par son protégé mais aussi celui qu’il lui reste à arpenter : « Jordan a une marge de progression. Il reste du boulot mais il ne demande qu’à apprendre. Depuis qu’il est arrivé de la Réunion, nous avons bossé un peu tout. Auparavant, il délivrait un ou deux coups sur le même tempo. Nous avons travaillé la variété des coups, les changements de rythme, les doubles attaques et la capacité à être dans le bon timing car il a longtemps été un peu fougueux. Il dépensait plus d’énergie à se déplacer qu’à donner des coups. A présent, il est davantage posé sur ses appuis alors qu’il avait tendance à trop bouger. Disons qu’il savait boxer et qu’aujourd’hui, il connaît sa boxe, il la maîtrise. Il a compris ce qu’est le noble art. Si bien qu’il est lucide et clairvoyant sur le ring. »


Bel hommage qui est une invitation à persévérer : « Jordan commence à avoir le niveau international même s’il n’a pas encore pris de la maturité dans tous les domaines. Il faut qu’il mûrisse encore peu. Par exemple, dans la gestion de l’entraînement, il en fait un peu trop au risque d’accumuler de la fatigue. Il doit comprendre que le repos fait aussi partie de l’entraînement. Parfois, il a un peu tendance à être dans la facilité car il a envie de faire plaisir aux autres et au public. Si bien qu’en finale des championnats de France, il a encaissé des coups qu’il n’aurait pas dû prendre. Il aurait dû boxer un peu moins les mains basses et, surtout, toujours attaquer en premier. » Un péché de gourmandise et de jeunesse qui n’a rien de rédhibitoire tant le garçon est décrit par son coach comme « gentil et sérieux et doué. » Qui en doutait ?
Par Alexandre Terrini
Mise en ligne par Olivier Monserrat-Robert
Crédits images : Patrick Urvoy