Le 22 décembre, à Manchester, El Fenomeno (37 v, 3 d) s’est rappelé au bon souvenir de tous ceux qui l’avaient enterré en allant s’emparer du titre WBC silver des moyens détenu par le solide Martin Murray (37 v, 1 n, 5 d), vaincu aux points, sur décision partagée (117-112, 116-112, 114-114).

On l’avait quitté alors qu’il n’avait été, avouons-le, que l’ombre de lui-même ou presque, bien loin des qualités qu’on lui prêtait. Avec, à la clef, deux prestations plus que décevantes en championnat du monde WBA face au Japonais Ryota Murata. La première s’était soldée, le 20 mai 2017, à Tokyo, par une victoire aux points que bien peu de personnes ne lui eurent accordée si elles avaient été à la place des officiels. La deuxième, nettement plus conforme à la logique sportive du moment, avait eu comme épilogue, le 22 octobre 2017, toujours au Pays du soleil levant, une défaite avant la limite (abandon à l’appel de la huitième reprise) devant le même homme lors d’une revanche à sens unique.
Dès lors, pas besoin d’être grand clerc pour comprendre qu’à 34 printemps et après plus d’un an d’inactivité dû, notamment, à un différend avec son promoteur, le Franco-Camerounais jouait une bonne part de son avenir pugilistique devant Martin Murray, un boxeur tatoué anglais. La description se suffit à elle-même et résume l’essentiel du sujet de Sa Gracieuse Majesté : l’enfant de St Helens est un dur à cuire qui ne sait qu’avancer, qui encaisse et qui sape ses rivaux à plus ou moins petit feu en misant sur un débit de coups constant. Revers de la médaille, le garçon n’est pas un fin technicien, est prévisible entre seize cordes, techniquement assez quelconque et ne présente pas des aptitudes pharamineuses à reculer en bon ordre. Il n’empêche, sa vaillance lui a fait s’incliner toujours avec les honneurs et après une haute lutte contre des rivaux de la trempe de Sergio Martinez, de Gennady Golovkin, d’Arthur Abraham ou encore, de George Groves.
Être lui-même, juste ce qu’il faut mais pas trop
Une fois que l’on a dit ça, on a dit ce que devait faire Hassan N’Dam N’Jikam pour créer la surprise : être lui-même, juste ce qu’il faut mais pas trop. En clair, être ce gladiateur virevoltant, rapide et jaillissant, apte à en découdre sur les jambes tout en faisant montre de sa virtuosité et de sa fluidité gestuelles. En était-il (encore) capable ? That is the big question. L’entame de la confrontation incitait à le croire et à lui accorder le bénéfice du doute. En effet, il laissait sciemment venir à lui son opposant pour mieux le cueillir avec son jab ou son direct du gauche et remiser, notamment en uppercut. Surtout, le Pantinois bloquait l’essentiel des offensives adverses et ne se laissait jamais acculer dans les cordes ou dans un coin du ring. Sa vitesse de bras faisait le reste et lui permettait de passer de belles séries qui martyrisaient les flancs du Britannique, quitte, ensuite, lorsque cela était possible, à remonter en crochets à la face et derrière l’oreille. Stoïque, le tenant continuait à faire toujours la même chose mais sans la moindre créativité et en ignorant le travail de feinte qui l’eut sans doute aider à surprendre le natif de Douala. De surcroît, Martin Murray pâtissait de sa lenteur qui l’empêchait de cadrer Hassan N’Dam N’Jikam, lequel prenait un malin plaisir à tourner et à se montrer insaisissable. Un scénario cousu de fil blanc.
El Fenomeno en passe de le redevenir
Seuls bémols, coté tricolore, une petite tendance à se jeter au moment de lâcher son bras arrière en piston et, pire, une satanée main gauche bien trop basse. Une faille récurrente et exaspérante chez l’ancien champion du monde… D’ailleurs, en toute fin de cinquième round, il se fit très légèrement toucher au sommet du crâne sur une droite et glissa au moment d’esquiver. Il n’en fallut pas plus pour que l’arbitre le compte. Rageant. Néanmoins, hormis cette alerte évitable, rien ne pouvait réellement mettre en danger El Fenomeno qui était en passe de le redevenir dans le carré magique de Manchester. Son coin prit d’ailleurs soin de le féliciter mais aussi de lui rappeler ses obligations : « Tu fais du très bon boulot. Une fois que l’on a fini de marquer des points, on sort, on va se balader un peu. Il faut rester concentré. Ne lâche rien et ne te précipite pas. »
Il faut croire que, décidément, la sagesse vient avec l’âge. En effet, Hassan N’Dam N’Jikam eut la lucidité de ne point s’écarter de son plan de bataille, en somme, de refuser la guerre de tranchée de près, de beaucoup moins négliger les moyens de défense qu’à sa fâcheuse habitude tout en restant actif et à sa distance douze rounds durant. Dans ces conditions, impossible, même outre-Manche, de favoriser le local sur les bulletins des juges. Pourtant, Martin Murray fut surpris de ne pas obtenir leurs faveurs. Pas autant que nous que le verdict soit partagé tant la domination du Francilien avait été sans appel. Mais l’essentiel était sauf : c’est bien lui qui pouvait se parer d’une ceinture synonyme de promesse d’avenir. Qui l’eut cru ?
Par Alexandre Terrini
Mis en ligne par Olivier Monserrat-Robert