La génération perdue

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Les murs du trinquet Maitena en tremblent encore. Durant l'âge d'or de la boxe luzienne, des combats survoltés, opposant les pontes de la discipline, s'y déroulaient tous les dimanches, juste après les matchs de rugby, pour que personne n'en perde une miette.
 
 
Les boxeurs Victor Pepeder et Charles Humez représentaient l’élite des années 50. Crédit photo Dr. Jakintza
 
C'est pour rappeler ce passé fiévreux de la boxe anglaise autour de la baie que Jean-Pierre Péré, membre de l'association historique Jakintza, s'est plongé dans les archives. « Nous avons un devoir de mémoire. Pour les anciennes et les nouvelles générations », détaille Jean-Pierre Péré, soucieux que les petits-fils des anciens boxeurs luziens ne méconnaissent pas l'histoire de leurs aïeuls.
 
Sang, cris et 3e mi-temps
 
Les affrontements faisaient craquer les portes du trinquet. Et attiraient les célébrités en vue des années 50, comme Luis Mariano. « C'était colossal. Les boxeurs livraient des centaines de combats, et quinze jours après, ils remontaient sur le ring. Aujourd'hui, dès qu'il y a un K.-O. on leur donne 45 jours de repos », souligne l'écrivain, spécialiste du sujet puisqu'il a été médecin sur les rings de boxe pendant vingt ans. « Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'engouement était tel que les jeunes s'inscrivaient en masse dans la section boxe alors que régnaient en maîtres le rugby et la pelote ». Dans la vallée de la Nivelle, l'histoire commence en 1944 avec la création par Charles Cazaubon et Thomas Olano du tout premier club de boxe anglaise, lancé en tant que section du Saint-Jean-de-Luz Olympique (SJLO) omnisports. En 1956, un second club se crée : le CSB, Club Sportif Basque, implanté à Ciboure et mené par Charles Bayle, un promoteur bordelais, déjà expérimenté dans le milieu. Pendant plusieurs années, les salles d'entraînement du SJLO sont « nomades » : dans un garage, un grenier, au sporting sous la Pergola ou même dans la dépendance de l'Hôtel d'Angleterre, qui deviendra le siège de la section boxe. Les alternatives étaient parfois inattendues. Malgré une réputation de cités de bagarreurs qui leur colle à la peau, les voisines Saint-Jean-de-Luz et Ciboure ne se livrent pas à une guéguerre des rings. Les clubs du SJLO et du CSB iront même jusqu'à fusionner en 1960. « Sans haine, sans animosité. L'entraîneur du SJLO avait même un bistrot à Ciboure ! », plaisante Jean-Pierre Péré. Pour conter les histoires cachées de la boxe locale, Jean-Pierre Péré a fait le tour des familles des boxeurs stars de l'époque, dont les familles Nervi, Olascuaga, Goya, Pepeder, et s'est rendu chez l'ex-boxeur Pantxo Ripalda, qui vit toujours à Ascain.
 
Locomotives Nervi et Pepeder
 
Un parcours hors norme force le respect. Celui de Jacques Nervi, immigré italien et boxeur du CSB, qui a connu bien des galères avant de devenir un as du crochetdu droit. La plume de Jakintza est admirative de cette trajectoire réussie : « Il fallait avoir une sacrée personnalité. Il a fini sa carrière, est devenu entraîneur, puis s'est reconverti en ouvrant l'auto-école du phare à Ciboure ». Autre homme fort du ring : Victor Pepeder, issu d'une famille de marins luziens, il était une des « locomotives » du club. Sa brillante carrière amateur l'a mené à être champion de Guyenne puis à se lancer dans l'arène professionnelle en 1954, où il s'impose rapidement. Mais à la fin des années 60, le club ferme. Les boxeurs se redirigent vers le rugby, comme René Gey, qui a poursuivi un beau parcours sportif. Une page se tourne. « C'est peut-être la dérive professionnelle qui a tué le côté populaire. Maintenant c'est un monde d'initiés, ce n'est plus grand public. D'autres sports ont éclipsé la boxe. Les figures de proue ont vieilli et l'argent s'est immiscé dans les clubs. Le boxing spectacle est arrivé avec le catch », résume Jean-Pierre Péré, qui espère faire revivre à la lecture de Jakintza les heures de gloire de la boxe luzienne.
 
« Histoire de la boxe anglaise à Ciboure et Saint-Jean-de-Luz, de 1944 à 1964 » par Jean-Pierre Péré de Jakintza. 15 euros. Pour plus de renseignements, consulter : www.jakintza.fr.
 
Par Cécile Bonté-Baratciart
 
Source : Sud-Ouest.fr

 

 

 

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