La France decouvrit Jose Napoles

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C’était l’un des très grands des Sixties et des Seventies. Le Cubain (81 v, 7 d) disputa en effet dix-huit championnats du monde entre 1969 et 1975, ne s’inclinant que trois fois. Il est décédé, à 79 ans, le 16 août, à Mexico. Sa disparation, qui fait suite à celle de Jean-Claude Bouttier, marque la fin d’une époque dont l’Hexagone a notamment été le théâtre. L’enfant de Santiago de Cuba, né le 13 avril 1940, grandit, comme tant d’autres de ses compatriotes, dans la misère avant de pousser la porte d’une salle de boxe où il montra plus que des prédispositions. Son surnom, Mantequilla (beurre), illustre combien il était l’un des fleurons de cette école cubaine qui fait la part si belle à la technique, à la fluidité gestuelle, au déhanchement et à la souplesse. A l’idéologie aussi. Passé pro en 1958, Jose Napoles obtint, en 1962, du régime castriste - lequel avait banni la boxe professionnelle assimilée à un vil mercantilisme - le droit d’aller se produire au Mexique. Toutefois, pour éviter un exil à l’étranger assorti d’une demande d’asile aux États-Unis ou ailleurs, les autorités de La Havane lui imposèrent que son épouse, enceinte, ne quittât pas Cuba. Qu’importe, son mari fit le choix de ne pas rentrer et de s’établir à Mexico. Sacré champion du monde des welters en dominant l’Américain Curtis Cokes, le 18 avril 1969, à Los Angeles, il régna - outre une défaite infligée, le 3 décembre 1970, par l’Américain Billy Backus contre qu’il prit sa revanche six mois plus tard - jusqu’au 6 décembre 1975, jour où il céda sa couronne à l’Anglais John Stacey.

« Il boxait à l’économie, dans un mouchoir de poche »

Le Cubain, qui avait penchant certain pour les femmes et le jeu, avait notamment affronté, en championnat du monde, le Haut-Savoyard Roger Menetrey le 23 juin 1973, à Grenoble. Il l’avait emporté sans discussion, aux points, inspirant au Français cette analyse consignée dans ses mémoires intitulées « La onzième seconde » (Éditions Solar, 1974) : « Il était d’une adresse diabolique, évitant les coups par de légers retraits du corps. Il ne me quittait jamais des yeux. Jamais durant les quinze rounds, il ne me quitta des yeux. (…) Son adresse extraordinaire neutralisa une partie de mes assauts. (…) C’est vraiment un champion exceptionnel, un boxeur pas comme les autres. Je n’ai pas de chance. Je n’aurais pas pu affronter un champion du monde normal, un adversaire accessible. Il faut que je tombe sur le meilleur de tous les champions du monde, sans doute le meilleur boxeur du moment… (…) Il enrayait la plupart de mes assauts sans effort. Il boxait à l’économie, dans un « mouchoir de poche ». A ce rythme-là, il ne se fatiguait pas beaucoup. (…) Que faire contre un champion exceptionnel que l’on ne savait pas par quel bout prendre… (…) Je le sentais bien : je n’étais pas moi-même, le Menetrey que les spectateurs veulent voir, le Menetrey qui boxe avec ses qualités et ses défauts, l’attaquant décidé. Mais dans ces circonstances, j’étais retenu par une force invisible, plus forte que la mienne, qui m’interdisait d’être moi-même. » Quelques mois plus tard, le 9 février 1974, Jose Napoles revint en France notamment à l’instigation d’Alain Delon, co-organisateur du combat, pour défier, à Puteaux, le champion du monde des moyens, Carlos Monzon. Mais le challenger, qui avait gagné en poids ce qu’il avait perdu en vitesse et en explosivité, ne fut pas à son aise dans la catégorie supérieure et ne put rivaliser en terme de puissance avec l’Argentin qui triompha par abandon à l’appel de la septième reprise.
L’heure de la retraite, fin 1975, sonna l’heure du déclin sur tous les plans. Ayant dilapidé ses gains et sans le sou, l’ancien champion, devenu musicien, vécut grâce à la générosité de bienfaiteurs qui lui permirent de joindre péniblement les deux bouts. Ces dernières années, sa santé avait décliné au point de ne plus être autonome.

Par Alexandre Terrini
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