Jean Josselin a tiré son ultime révérence

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L’ancien champion de France et d’Europe professionnel des welters (66 v, 7 n, 16 d) a eu une carrière d’un autre temps. Celui des Sixties, lorsque la boxe faisait la une de l’actualité sportive. Le Bisontin, héros de toute une ville, est décédé à 81 ans, le 7 février, à l’hôpital de Gray, en Haute-Saône.

L’idole de Besançon, qui, en 1966, avait été acclamé par 5 000 de ses concitoyens à son retour des États-Unis, où il s’était incliné en championnat du monde, est mort, affaibli par la maladie. Sa vie fut une addition de plusieurs, lui l’ouvrier champion de France amateur à dix-neuf printemps qui disputa les Jeux olympiques de Rome, en 1960, avant de connaître la gloire dans les rangs professionnels quand il se produisait devant les pontes du show-biz. Puis, une fois les gants raccrochés, vint le temps des déboires pour finir par mener une retraite très modeste. Qu’importe car l’homme laisse une image à l’unisson de celle du grand pugiliste qu’il fut : celle de la droiture, de l’abnégation, de l’humilité et de la gentillesse au sens le plus du noble du terme. Comme l’art qu’il pratiquait avec maestria.

Nous republions, ici, l’interview qu’il avait accordée à France Boxe, en décembre 2019. Des mots forcément précieux.

Dans quelles circonstances avez-vous débuté le noble art ?

J’avais quatorze ans et j’étais un peu gros car je pesais pas loin de soixante-dix kilos. Je me suis dit que j’allais faire de la boxe et voir si cela me plaisait. Je suis donc allé m’inscrire au Ring olympique bisontin. Je n’avais pas un tempérament belliqueux. J’étais simplement le costaud de la classe. C’est pour ça que les gars venaient me voir afin que je les défende mais je refusais. Toujours est-il que la boxe m’a beaucoup plu. D’abord parce qu’elle m’a permis de maigrir puisque je suis descendu à soixante kilos. Je me suis d’ailleurs senti beaucoup mieux. Même si je travaillais parallèlement à la Brosserie Franc-Comtoise, un boulot qui n’était pas spécialement dur, je m’entraînais tous les jours aussi bien en allant courir qu’en prenant la leçon à la salle. J’avais des collègues qui avait commencé la boxe au même moment que moi ou avant et j’étais meilleur qu’eux. Cela m’a stimulé. Le fait d’avoir une bonne condition physique faisait que je me baladais face à mes adversaires. Dès que j’ai eu seize ans, j’ai disputé les championnats de France amateur en seniors car, à l’époque, il n’y avait pas de catégories d’âge. J’ai été champion de France des légers en 1957 et cela m’a motivé. C’était beau.

Vous avez évidemment poursuivi votre début de carrière dans les rangs amateurs…

Oui. J’ai été champion de France amateur une deuxième fois, en 1959, en welters, et même champion du monde militaire 1960 (il a été membre du Bataillon de Joinville, N.D.L.R.), au Madison Square Garden. Surtout, j’ai disputé les Jeux olympiques de Rome, toujours en 1960. Je me suis incliné au premier tour devant l’Italien Nino Benvenuti, lequel a ensuite remporté la médaille d’or. Il m’a battu de justesse. Beaucoup de gens m’ont dit que je n’avais pas perdu… Benvenuti ne m’a d’ailleurs pas impressionné. Les Jeux, c’est aussi un peu une histoire de chance au tirage au sort. Je pense que j’avais le niveau pour monter sur le podium. Même si j’étais un battant qui rentrait sur l’adversaire, j’aimais bien boxer en amateurs parce que j’étais assez rapide et j’arrivais à tenir un rythme élevé durant trois rounds. Et ce, dans la mesure où j’avais l’habitude de m’entraîner très dur. Je mettais notamment les gants avec Michel Lombardet qui était champion de France professionnel des welters. Si bien que lorsque j’affrontais ensuite d’autres boxeurs, c’était facile pour moi. J’avais le sentiment que je ne pouvais pas être battu. Moi, je travaillais beaucoup au foie.

Pourquoi êtes-vous resté à Besançon quand vous êtes passé professionnel en 1961 ?

Parce qu’il y avait pas mal de boxeurs au club avec lesquels je m’entraînais. Cela m’a motivé. Mes entraîneurs et managers étaient Ray Lucas et Jean Monnin. La boxe pro me convenait encore mieux, ne serait-ce que parce qu’il y avait plus de rounds. Cela augmentait d’autant mes chances. Plus le combat durait, plus cela m’allait car encore une fois, j’avais une très bonne condition physique. Tout en continuant de travailler comme tourneur sur métaux chez Bourgeois, il m’arrivait de boxer une fois par mois mais je n’ai jamais trouvé que cela faisait trop. En effet, plus vous affrontez d’adversaires différents, plus vous connaissez la boxe et plus vous vous sentez à l’aise. Moi ; j’étais vraiment motivé pour aller le plus haut possible.

« J’ai, bien sûr, eu du mal à arrêter »

Jean Josselin

Toujours-il que vous avez dû attendre votre trente-cinquième combat pour disputer votre premier championnat de France face à François Pavilla, que vous avez dominé aux points, le 8 novembre 1965, à Paris…

Oui. J’avais alors une bonne connaissance de la boxe car à cela, s’ajoutait aussi ma carrière en amateurs. J’ai fait un grand combat. J’ai été plus rapide que lui et je bougeais davantage sur le ring. C’est ce qui m’a permis de faire la différence. Ce titre m’a, bien sûr, fait plaisir mais je pensais à faire encore mieux, en l’occurrence, à disputer des championnats d’Europe et du monde.

Ce que vous avez fait en dominant le Gallois Brian Curvis pour le titre continental, le 25 avril 1966, toujours à Paris…

Il était très dur mais j’avais mes chances. Ce titre m’a fait du bien et m’a galvanisé. Quand on arrive à faire des choses comme ça, moralement, c’est extraordinaire. Au vu des adversaires que j’avais affrontés jusque-là, je pensais avoir le niveau et le potentiel pour être champion d’Europe.

Vous avez ensuite enchaîné par un championnat du monde, le 25 novembre 1966, à Dallas, contre l’Américain Curtis Cokes qui vous a dominé aux points, à l’unanimité des juges…

La décision était normale. Curtis Cokes était assez grand et difficile à boxer. Il m’a manqué un peu de tout pour l’emporter, notamment la rapidité gestuelle. Et puis il frappait pas mal. Si je voulais tenir la limite, il ne fallait pas non plus que je prenne trop de risques. Cependant, cette défaite ne m’a pas donné envie d’arrêter la boxe.

Puis vous êtes redevenu champion de France, en 1968, et d’Europe, en 1969, respectivement aux dépens de Lucien Fernandez et du Transalpin Silvano Bertini. Néanmoins, vous avez accumulé les défaites et les nuls lors de vos treize derniers combats…

J’ai, bien sûr, eu du mal à arrêter. J’espérais toujours avoir une chance. Après tous les combats que j’avais faits, j’étais, disons, pas mal secoué (sourire). Mais quand vous avez eu la chance d’avoir été un champion, vous tenez beaucoup à ce statut.

Vous avez disputé près de quatre-vingt-dix combats chez les rémunérés. Cela fait quand même beaucoup…

Oui mais si vous voulez arriver jusqu’au bout et faire une bonne carrière, il faut ça. On est obligé de rendre des risques. C’est normal.

Estimez-vous avoir mis un terme à votre carrière trop tard ?

Non, absolument pas. J’ai bien fait. Si c’était à refaire, je ne crois pas que j’aurais arrêté plus tôt. Sur la fin, j’en ai profité pour aller me promener un peu en boxant à l’étranger. Même s’il y avait l’aspect financier et que cela permettait de faire briller mes adversaires, je faisais le maximum pour l’emporter. Finalement, j’ai arrêté en mars 1972 parce qu’il y avait l’âge et parce s’entraîner toujours les jours et enchaîner avec le boulot est, à la longue, difficile.

« Avais-je le niveau pour devenir champion du monde ? Pourquoi pas ? »

Jean Josselin

Comment s’est passée votre reconversion ?

J’avais arrêté de travailler en 1966, quand j’étais devenu champion d’Europe, pour ne me consacrer qu’à la boxe. J’avais acheté une brasserie. Puis, j’ai bossé dans d’autres brasseries mais dont je n’étais pas propriétaire. J’avais des amis qui m’embauchaient pour travailler avec eux.

Pourquoi n’êtes-vous jamais devenu entraîneur ?

Je l’ai été quelques temps au Ring Olympique Bisontin mais je n’ai pas continué parce que je trouvais que les jeunes n’étaient pas assez motivés. Je voulais que tout le monde fasse la même chose que ce que je faisais quand j’étais boxeur… (sourire) Disons que la nouvelle génération n’étais pas aussi travailleuse que je l’étais. D’ailleurs, je trouve que la boxe actuelle est moins difficile qu’elle ne l’était à mon époque. Il y a moins de bons éléments et de bonnes réunions. Il y a beaucoup de choses qui font qu’elle n’est pas de même valeur. Elle était plus riche et plus dense avant.

Quel est votre plus grand regret ?

J’aurais bien voulu être champion du monde. Avais-je le niveau pour cela ? Pourquoi pas ? Il ne faut parfois pas grand-chose… Il y a des adversaires qui vous gênent parce que leur boxe ne vous convient pas. Le plus dur que j’ai affronté a été Jose Napoles face auquel je me suis incliné avant la limite, le 23 août 1971, aux États-Unis. Quand il me donnait un coup, j’avais l’impression qu’il avait une enclume dans son gant. C’était à la fois un bon boxeur et un cogneur.

Quel regard portez-vous sur votre parcours pugilistique ?

Je suis content de moi. Pour moi, j’ai fait une bonne carrière. La boxe m’a apporté la possibilité de faire des voyages, des connaissances et des amis et, bien sûr, les résultats. C’est quelque chose de formidable. Je tiens aussi à remercier tous les gens qui, aujourd’hui, s’occupent et qui parlent de moi.

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