Le 26 mars, devant son public de Fontenay-sous-Bois, Jean-Jacques Olivier (13 v, 2 d) a battu en brèche les pronostics pour battre, par abandon à l’appel de la septième, Olivier Vautrain (18 v, 1 n, 4 d) et s’emparer de la ceinture de l’Union européenne vacante des lourds-légers.
Il avait promis d’être différent de ce que l’on connaissait de lui, ce puncheur implacable et chirurgical, destructeur patenté entre seize cordes. Effet d’annonce classique du genre qui ne serait guère suivi d’effets dans le carré magique, pensait-on. Première morale de l’histoire : on aurait tort de ne pas croire Jean-Jacques Olivier, alias Hercule pas forcément pour les intimes, quand il parle. Pas besoin, non plus, d’être agrégé de psychanalyse pour deviner que l’homme est du genre à dire ce qu’il fait et à faire ce qu’il dit. Sans forfanterie ni fioriture.
Un naturel prêt à revenir au grand galop à la moindre occasion
Dès le gong libérateur, il entamait les hostilités par un travail assidu du bras avant sous toutes les coutures et variantes. A ceci près que ses jabs et ses directs, parfois doublés voire triplés, étaient assénés pour faire mal et non pour tâter le terrain. On ne se refait pas non plus totalement. En témoignait l’arcade sourcilière droite du Nazairien ouverte dès le round initial. Pour être franc, on sentait bien que même jugulé, le naturel du local était prêt à revenir au grand galop à la moindre occasion : ses droites lourdes étaient là pour porter l’estocade fatale. Conscient de la chose, son coin s’efforçait toutefois de calmer ses ardeurs. « Il y a douze rounds ! Lève tes mains ! Bouge la tête ! Place bien ton pied à l’extérieur ! Construit ! », lui ordonnait, avec à-propos, son coach, Rachid Labdouni.
Dans ces conditions, Olivier Vautrain était forcément sur ses gardes. Il veillait à déclencher à distance, ce qu’au demeurant, son allonge supérieure l’autorisait à faire. Il avait pour lui sa faculté supérieure à combiner et une plus grande vitesse de bras. De fait, dès qu’il était un peu trop statique sur ses appuis et raide du buste, le Guadeloupéen se faisait toucher sur des enchaînements. Rachid Labdouni l’enjoignait d’ailleurs de rester mobile et de bouger la tête. Contraint d’avancer, son protégé le faisait un tantinet trop en ligne, parfois en chargeant au lieu de feinter pour créer davantage d’incertitude. Si bien que, parfois, il frappait dans le vide et éprouvait quelques difficultés à cadrer.
Le paroxysme de l’émotion, la ceinture autour de la taille
Mais à force de remettre l’ouvrage sur le métier, il réglait la mire et malmenait le foie du visiteur dans la quatrième, lequel était compté mais trouvait la force admirable de repartir. Très solide, il parvenait à retrouver un semblant de nouveau souffle. Ses combinaisons autant que ses bras arrière au corps donnaient à voir sa belle technique, vestige glorieux de son passage en équipe de France amateur. Cependant, sur ce terrain-là non plus, Jean-Jacques Olivier n’était pas en reste. Lui aussi avait de la réserve et de l’inspiration même si sa morphologie autant que le game plan le cantonnaient, autant que possible, à en découdre dans le petit périmètre, près de son rival, là où il lui était plus aisé d’avoir la main. Il n’était jamais brouillon et ne confondait pas vitesse et précipitation. Le visage tuméfié et baigné de sang de son contradicteur en attestait. A l’entame du septième round, ce dernier ne se relevait pas. On apprit plus tard, dans l’intimité du vestiaire, les raisons d’un abandon auquel on ne songeait pas : une côte cassée récemment à l’entraînement qui venait de nouveau de céder sous les poings du Fontenaysien et une contamination à la Covid-19 qui avait eu tôt fait de lui faire perdre une partie de son cardio jusque-là savamment entretenu. Rageant.

La ceinture autour de la taille, le héros de la soirée était au paroxysme de l’émotion. Il l’exprimait à sa manière, en égrenant au micro les noms de ceux qui lui avaient sauvé la mise quand il était au tréfonds, de ceux qui étaient partis trop tôt fauchés par une vie qui ne l’a lui-même pas épargné. Il y a près de deux ans, une balle pas vraiment perdue était venue lui effleurer le cœur et lui perforer le poumon avant de quitter les lieux par l’omoplate. « Je reviens de très très loin », avouait-il. D’où pas grand-monde ne serait revenu.