Le 16 octobre, Laurence Lefèvre, Directrice de cabinet du ministère des Sports, et Patrick Bayeux, Docteur en sciences de gestion, ont remis à la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, le rapport intitulé « Nouvelle gouvernance du sport ». Ils appellent à revoir les modalités du lien de subordination qui lie les fédérations sportives au ministère. Explications.

« L’enjeu du changement proposé consiste à concilier plus d’autonomie avec plus de responsabilité́ » : tel est le double axiome qu’entendent promouvoir les auteurs du rapport à l’égard des fédérations. Ce qui induit la fin de la tutelle de l’État telle qu’on la connaît aujourd’hui.
Le maintien de la délégation
S’agissant de la délégation, laquelle est délivrée pour une olympiade et attribuée aux fédérations agréées pour exercer des prérogatives de puissance publique, la tendance est à son maintien. Pourquoi ? Parce qu’elle « offre un actif immatériel incontestable aux fédérations et constitue un facteur de sécurité des environnements de pratique pour l’État », rappelle le rapport.

Certes, plusieurs points font débat, en particulier le nombre important de fédérations délégataires. Celui-ci entraîne une dilution des moyens tandis que le caractère imparfait de l’agrément, dont la durée est illimitée, ne permet pas de prendre en considération certaines disciplines en plein essor. Si la piste consistant à arrêter certains critères (nombre de licenciés, intérêt général de la discipline…) afin de diminuer le nombre de fédérations agréées est exclue, il est, par contre, question de remettre en cause la durée illimitée de l’agrément. En effet, alors que des fédérations agréées sont en perte de vitesse, l’État, qui entend ne pas en accroître leur nombre, hésite à en reconnaître d’autres qui sont émergentes et qui se retrouvent de facto privées financements.
Une habilitation simple ou double
Néanmoins, une alternative est envisagée : il s’agit, d’une part, de définir la notion de discipline sportive et, d’autre part, de proposer d’instaurer un système de déclaration volontaire permettant d’identifier l’ensemble des fédérations sportives. Avec, à la clef, un système d’habilitation soit pour le développement, soit pour le haut niveau, soit pour les deux. L’habilitation haut niveau conférerait à la fédération concernée un monopole en matière de haut niveau, d’édiction des règles techniques et d’organisation des compétitions mais pas de mission de service public. De ce fait, les litiges relatifs à l’exercice de la délégation seraient traités par le juge judiciaire. A noter que, selon les auteurs du rapport, « le ministère des Sports n’a pas su déceler assez tôt les évolutions de la société car il a été conçu pour être, par l’exercice de sa tutelle sur les fédérations, le gardien d’un modèle fédéral tourné vers la compétition »…
De la tutelle au contrôle de délégation
On, le sait, la tutelle de l’État se matérialise via le financement des fédérations avec, à la clef, l’obligation de flécher leurs actions sur des axes décidés au préalable par le ministère, qu’il s’agisse de haut niveau ou de développement des pratiques. « L’absence de latitude laissée aux dirigeants des fédérations a donc engendré soit des conduites de contournement de la part des fédérations, soit un manque de créativité », peut-on lire dans le rapport. Dans le cas où il serait décidé de conserver le principe de la délégation, il conviendra donc de modifier les conditions de la tutelle exercée par l’État. Celle-ci évoluerait alors vers un contrôle articulé en plusieurs étapes :
- tout d’abord en procédant, en amont du renouvellement de la délégation, à la définition collégiale des besoins et des attentes de la société ;
- l’État préciserait ensuite aux fédérations le niveau d’exigence structurelle en matière de bonne gestion et de responsabilité sociale et environnementale (transparence de gestion, contrôle interne performant, mise en place d’un comité d’éthique et d’un plan de prévention du dopage, féminisation des instances...).
- sur ces bases, un contrat de délégation serait conclu avec la fédération qui serait contrôlée en cours de délégation sur la base de données clairement établies au regard de son fonctionnement structurel et des objectifs de la délégation.
Le CNOSF, garant de la transparence et de l’éthique
Toujours est-il que la mise en place d’un système de contrôle de la délégation en lieu et place de la tutelle est censé inciter le mouvement sportif à s’adapter pour s’inscrire dans le cadre de standards internationaux de transparence et de bonne gestion. Dans l’optique de l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques, la France pourrait s’inspirer des recommandations du Conseil de l’Europe en matière d’éthique et de transparence. A cet égard, plusieurs options sont présentées dans le rapport :
- coconstruire un référentiel AFNOR débouchant sur une norme, laquelle favorisiaerait une régulation accrue du et par le mouvement sportif. Ce dernier pourrait aussi créer lui-même, sous l’égide du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), sa propre référence de labellisation ou encore, plus simplement, utiliser la norme ISO 9001 permettant la labellisation des fédérations et la reconnaissance de leur bon fonctionnement.
- Les fédérations pourraient être notées par des agences indépendantes sur la base de critères élaborés conjointement.
- La création d’un poste de superviseur du sport.
Dans tous les cas, les acteurs du sport sont invités à accepter la participation d’acteurs extérieur à la fois pour adopter les réformes nécessaires, protéger les athlètes, garantir l’intégrité des manifestations sportives, mettre en place des mécanismes de contrôle stricts etc. Reste qu’en matière d’éthique, la majorité des fédérations jugent pertinent de s’en remettre au CNOSF. En effet, la qualité du système de conciliation propre au Comité atteste de son autorité morale pour assumer un tel rôle. Le CNOSF assumerait donc une fonction d’appui auprès des fédérations en créant, en son sein, une commission nationale indépendante d’éthique du sport.
Par Alexandre Terrini
Mis en ligne par Olivier Monserrat-Robert
Crédit photos - Karim de la Plaine