A 28 ans, Dylan Charrat (20 v, 1 d, 1 n) a décidé de stopper sa carrière de boxeur professionnel. Dylan Charrat a accordé un entretien exclusif au site de la FF Boxe.
Vous arrêtez donc votre carrière…
C’est une décision qui a été dure à prendre mais elle est murement réfléchie. Il y a la passion que j’ai pour la boxe mais c’est un choix que je fais car il y a des choses qui ne me permettent pas de continuer sereinement. Je suis atteint depuis longtemps d’une maladie de la cornée, qui n’est pas due à la boxe mais à des allergies et qui n’était pas incompatible avec la pratique de ce sport. J’ai discuté avec mes équipes et j’ai pris cette décision d’arrêter, le bénéfice potentiel n’est pas à la hauteur pour continuer. C’est compliqué car j’avais envie du titre de champion d’Europe, de la revanche avec Kerman Lejarraga, d’avancer et de devenir champion du monde. Il y a la passion et puis il y a la raison, j’avais déjà eu cette réflexion en tête en mars 2021 avant le championnat d’Europe contre l’espagnol.
Parlons de votre parcours et notamment de vos débuts…
Je viens du karaté que je pratiquais depuis l’âge de six ans. J’ai commencé la boxe à l’âge de 12 ans et demi au Canet-Rocheville en BEA. J’ai vu un combat de Brahim Asloum à La Palestre et j’ai été fasciné par ce sport, c’est devenu une obsession de pratiquer. Je suis un passionné et quand je me lance dans quelque chose, c’est à fond. J’ai dû faire le forcing auprès de mes parents (rire) et j’ai débuté à la salle associative. Ce n’était pas une salle qui formait des boxeurs pros ni même amateurs de haut niveau mais des loisirs et de la boxe amateur, disons, départementale. J’ai fait une dizaine d’assauts en BEA où je n’ai rien gagné de significatif. Je me faisais souvent disqualifier car j’oubliais de retenir mes coups (rire). Je suis passé en amateurs très tôt, j’ai gagné les championnats régionaux cadets puis en juniors mais j’ai perdu en quarts de finale aux championnats de France devant le futur champion. En juniors 2, j’étais frustré, je pensais être au plus haut niveau mais je me suis rendu compte que j’avais beaucoup de lacunes, mon père m’a trouvé un préparateur physique dans le sud. Cette année-là, je passe deux tours aux CDF Juniors et je subis ensuite un vol monumental. Nous avions fait une lettre à la FF Boxe qui m’avait ensuite convoqué pour un stage en équipe de France. Je m’étais montré convaincant lors de tests matchs, je fus ensuite appelé pour un tournoi en Allemagne. J’ai gagné au 1er tour avant de recevoir une leçon de boxe par un ukrainien, ce fut une super expérience car je me suis remis à nouveau en question.

Comment s’était passée la transition avec les seniors ?
J’ai encore gagné les championnats régionaux et en 1/4 de finale des championnats de France, j’ai perdu d’un point face à Chabane Fehim (Rouen). Je n’ai jamais réussi à devenir champion de France, ce fut assez frustrant. J’ai gagné la ceinture Montana, j’avais battu l’allemand Slama Spomer, aujourd’hui invaincu en 15 combats pros puis Yayhya Tlaoutziti et enfin Maxime Beaussire en finale. J’ai de nouveau été appelé en équipe nationale pour un stage qui s’est super bien passé, j’ai tenté de boxer à 64 kgs mais cela fut très dur même si je suis devenu champion régional, je suis passé pro ensuite.
Des débuts professionnels discrets…
J’ai fait mes premiers combats dans des organisations de clubs, sans promoteur. J’ai commencé à travailler avec Sébastien Acariès à ma 5eme sortie pro à La Palestre, il a continué à m’accompagner pendant ma carrière jusqu’à ce que nos chemins se séparent avant mon dernier combat.
Vous êtes rapidement devenu un boxeur en vue...
Lors de mon 14eme combat, j’ai boxé contre Yayhya Tlaoutziti, ce fut assez serré. C’est devenu intéressant car je commençais à être diffusé sur Canal+. J’ai franchi un palier quand j’ai combattu Howard Cospolite pour le titre de l’union européenne, la première rencontre avait été accrochée et s’était soldée par un match nul, mais j’ai gagné la revanche sans contestation, en changeant de stratégie. J’avais vécu neuf mois en ne pensant qu’à cette revanche et là j’étais au top du top, cette victoire m’a permis de passer un cap.
"Je resterai connecté à la boxe"
Quelles furent vos grandes victoires ?
Au-delà de la revanche avec Howard, je pourrais citer le vénézuélien Johan Perez qui avait un gros CV mais cela avait été trop court, je pense plus à mon succès contre l’ukrainien Dmitry Mikhaylenko. Je me suis fracturé un métacarpe à la main droite dans ce combat, je souffrais terriblement. Je l’ai boxé d’une seule main, à part à la 8eme quand je l’ai arrêté. Je me sentais très fort ce soir-là, cette convaincante victoire acquise dans des conditions extrêmes m’avait rendu fier.

Le boxeur qui vous posé le plus de problèmes ?
L’espagnol Kerman Lejarraga pour tout un tas de raisons. Je sortais d’une inactivité de 22 mois, avec un changement de promoteur, on n’avait pas pu faire beaucoup de sparring. Pendant le combat, j’ai eu deux côtes flottantes fracturées, au 8eme round, il pensait que j’étais fini mais j’ai vu de l’inquiétude dans ses yeux à la 9eme reprise quand il s’est rendu compte que je reprenais mon souffle et ma boxe en mouvement, j’étais persuadé qu’il allait céder. J’ai été déclaré perdant, je ne reviendrais pas sur la décision, tout le monde a vu comment s’est passé l’arrêt du combat. Ce dénouement avec un contexte défavorable plus le fait que devais me démener de tous les côtés pour combattre J. Saïdi puisque l’espagnol a laissé le titre alors que l’on devait se retrouver, ont pesé lourd dans ma décision de raccrocher.
On connait votre parcours universitaire qui est souvent cité en exemple, vous imaginez vous dans la promotion ou tenir un autre rôle dans la boxe ?
C’est trop tôt pour y penser. Je vais profiter du temps que j’ai pour me concentrer sur les activités que j’ai à coté pour digérer tout cela. Après, la boxe est ma passion, le ring me manquera toujours, je resterai bien sur connecté à ce sport, j’ai envie de transmettre mon expérience. Ensuite, si je peux aider dans la promotion, ce serait un projet qui me plairait, j’aurais peut-être quelque chose à apporter mais ce n’est pas encore d’actualité, on verra.
Que peut-on vous souhaiter ?
Je tiens à rappeler que c’est ma décision, je suis fier de partir en bonne santé, par choix, et que ce ne soit pas le sport qui me mette dehors. Je pense que pour tous les boxeurs et tous les sportifs, savoir dire stop est le plus gros combat. Ce que l’on peut me souhaiter, c’est de trouver un épanouissement similaire à celui que j’ai pu avoir avec la boxe, dans d’autres domaines. Je suis sûr que je vais le trouver. Je suis hyper reconnaissant pour tous les moments que j’ai connu dans la boxe, on a beau dire ce que l’on veut de ce sport, moi il m’a permis de me construire et de vivre des choses uniques et de rencontrer des belles personnes. Je pars sans aucune aigreur ni amertume, je suis heureux et comme je vous l’ai dis, je reste connecté à ce sport que j’adore.