Le 27 juillet, à Arlington, le Français (46 v, 1 n, 2 d), vaincu aux points, à l’unanimité des juges (119-108, 116-111, 116-111), a échoué dans son pari de détrôner le champion du monde IBF des super-plumes, l’Américain Tevin Farmer (30 v, 1 n, 4 d). Bien sûr, rares sont les pugilistes qui se voient offrir une chance mondiale totalement indûment.
Disons, en revanche, que certains la méritent encore plus que d’autres et que Guillaume Frénois est assurément de ceux-là tant il cultive l’exemplarité. Et d’abord, la patience doublée d’une faculté à ne jamais brûler les étapes pour être légitime dans ses aspirations. Champion de France des plumes puis de l’Union européenne et d’Europe des super-plumes, catégorie dans laquelle il a, accessoirement, détenu les titres WBC méditerranéen et IBF international, professionnel depuis 2006, jusque-là une seule défaite au compteur : rien que cet énoncé en dit beaucoup sur le bonhomme qui est avant tout une tête bien faite. Titulaire du Capes et professeur d’Éducation physique et sportive (EPS), père de deux fistons dont les prénoms - Gabriel et Adonis - sont brodés sur son short, cultivé et porteur de valeurs qui dépassent le strict giron du carré magique, l’Axonais est avant tout quelqu’un de bien. Hélas, cela ne fait pas tout sur un ring.

Or, là encore, ses qualités sont difficilement discutables. Certes ce n’est pas un puncheur mais un battant styliste, à la fois efficace et très complet techniquement, sachant être percutant sans s’exposer. Même à trente-cinq ans, il continue de progresser, ayant notamment gagné en puissance. Surtout, aucun signe avant-coureur d’une amorce de déclin à l’horizon. C’est que Guillaume Frénois n’a pas que la boxe dans la vie mais ne pense qu’à ça ou presque quand les échéances point le bout de leur nez. Un portrait-robot qui laissait entrevoir, en creux, ses chances, réelles, de décrocher la timbale devant un adversaire pas vraiment réputé pour avoir une frappe dévastatrice. D’ailleurs, sans forfanterie, le Saint-Quentinois jugeait, dans Le Courrier Picard, le tenant « tout à fait prenable ».
Pas le supplément d’âme pour passer la surmultipliée
Seulement voilà, les premiers opus de ce duel de gauchers auguraient une donne bien plus compliquée que prévue pour le challenger qui ne parvenait pas à se libérer ni à déployer la boxe inspirée toute en fluidité qui est souvent la sienne. Crispé et contracté, il ne réussissait guère à enchaîner ni même à véritablement toucher le tenant. Ses coups étaient comme avortés car jamais véritablement lâchés. Sans compter une prévisibilité qui facilitait la tâche du champion, lequel rendait hommage à son mentor dont il portait le patronyme brodé sur sa culotte : le génial Pernell Whitaker, décédé accidentellement le 14 juillet dernier. De fait, le natif de Philadelphie esquivait comme à la parade les tentatives de son contradicteur. Également plus précis, élégant gestuellement, capable tour à tour de contrer ou d’avancer, doté de toute la panoplie défensive requise, il tissait imperturbablement sa toile dans laquelle le visiteur, souvent moins actif, s’engluait inexorablement. Dans son coin, conscient que les choses étaient mal embarquées, on demandait, dès la mi-combat, à L’Expert de ne plus perdre aucun round, de durcir, de se faire mal et d’attaquer le premier. Les mains toujours bien hautes, il s’y employait mais ne donnait jamais l’impression de pouvoir y parvenir. Dans la dernière partie de la confrontation, en débit d’un ultime sursaut d’orgueil, il ne trouvait pas le supplément d’âme nécessaire pour passer la surmultipliée comme si, malgré lui, il conservait un gant sur le frein à main. L’Américain, lui, sans donner l’impression d’être inaccessible, menait sa barque en père peinard, n’étant jamais inquiéter. Faisant fréquemment le choix d’avancer, il délivrait des jabs agrémentés de rotations du buste qui épataient la galerie. L’avertissement qu’il se voyait infliger dans la dixième pour coups bas ne changeait pas la donne finale d’un verdict forcément en sa faveur, soldant la fin d’un rêve pour Guillaume Frénois.
Par Alexandre Terrini
Mise en ligne par Jérôme Fouache