Bouttier pour toujours

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Jean-Claude Bouttier s’est éteint le 3 août, à soixante-quatorze ans, des suites d’une longue maladie. Encore plus que son palmarès (64 v, 1 n, 9 d), son immense popularité et sa voix resteront dans l’Histoire de la boxe hexagonale. 

C’est Charles Biétry, son ami de toujours ou presque, celui qui, au cœur des années quatre-vingt, eut l’idée géniale de le convier à faire rêver les téléspectateurs de Canal+ naissante en commentant les grands combats de la fin du XXe siècle, qui, époque oblige, a annoncé, sur Twitter, la nouvelle que beaucoup, au fil des mois, redoutaient de plus en plus : « Jean-Claude Bouttier, vaincu par la maladie, nous a quittés aujourd'hui. Le boxeur s'était illustré par ses titres de champion d'Europe et ses combats mythiques contre Monzon. Le consultant avait avec talent fait vivre la boxe sur Canal+. L’ami laisse un immense vide. » Vrai. Dans la foulée, la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, y est allée de son hommage, toujours sur les réseaux sociaux : « Ses combats ont enflammé les passionnés de boxe des années soixante-dix. Sa voix a bercé les soirées des amoureux du noble art. C'était un personnage charismatique. La boxe française perd l’une de ses grandes figures. Adieu Jean-Claude Bouttier. » Il est vrai que la Patrie ne peut être que reconnaissante à l’égard de celui qui en a toujours, dans le carré magique, porté les couleurs avec dignité, intégrité et panache.
 


Alain Delon et le charismatique champion
 

L’incarnation du génie français, celui qui incite à forcer son destin
 

Jean-Claude Bouttier, c’est une histoire française, celle de la méritocratie républicaine, celle qui permet à la province de voir haut et loin même s’il faut en passer par la Capitale, théâtre de bien des rêves. Né en Mayenne, le 13 octobre 1944 il fut, d’une manière certaine, gâté par la nature. Beau gosse, charmeur, valeureux, courageux, bosseur, intelligent, maniant les mots comme il convenait : autant de vertus qui attirèrent à lui ses concitoyens comme s’il fut, en quelque sorte, l’incarnation du génie français, celui qui incite à forcer son destin à la force du poignet, en l’occurrence de ses poings. Après avoir entamé ses humanités pugilistiques à Laval, où il ne laissa que de bons souvenirs, excepté à ses adversaires, il s’en alla à Paris, CAP de boucher en poche. Il n’en fut jamais un ni dans le commerce ni sur un ring. Il était trop élégant  pour cela. Cornaqué par Jean Bretonnel, alias Monsieur Jean, ce manager qui vouvoyait ses protégés (à l’exception de Robert Villemain), il fit carrière pas à pas, sans brûler les étapes, forgeant là une légitimité et une crédibilité qui lui servirent de viatiques. Fort logiquement, les titres tombèrent dans l’escarcelle du Français. Champion de France professionnel des moyens aux dépens de Pascal Di Benedetto, en 1971, puis d’Europe devant l’Italien, né en Argentine,  Carlo Duran, toujours la même année, il fit son entrée dans la cour des grands au cours d’une période où le noble art  faisait encore lever les foules aux quatre coins de l’Hexagone.

Inlassable défenseur d’un sport qui l’avait porté au firmament

La suite est connue : deux défaites aux allures de chefs-d’œuvre, en championnat du monde, infligées par le féroce Argentin Carlos Monzon. Ce qui inscrivit le héros vaincu dans la longue tradition qui veut que la France ait un faible avoué pour ses glorieux perdants, ceux qui se dépouillent corps et âme par-delà l’obligation de résultat. La première tentative eut lieu à Colombes, le 17 juin 1972. Touché à l'œil, sur un coup délibérément irrégulier, le challenger abandonna sagement à l'appel du treizième round. Le deuxième essai, rendu possible par l’entremise d’Alain Delon, qui mit la main à la poche pour organiser la revanche au stade Roland-Garros, le 29 septembre 1973, faillit être le bon. Jean-Claude Bouttier lâcha encore plus les chevaux, malmena comme rarement le Sud-Américain, prit les devants sur les bulletins des juges avant d’être crucifié au foie dans la treizième reprise, d’aller de nouveau au tapis et de s’incliner aux points. C’était un temps où les duels planétaires se déclinaient en quinze rounds quand, aujourd’hui, douze sont programme. Un format qui eut fait du Frenchie un illustre champion du monde. Mais, digne, l’homme n’était pas du genre à s’accommoder de si ni à réécrire le passé. Redevenu roi d’Europe en 1974, il se retira un soir de décembre 1974, après une défaite qu’il ne digéra jamais, en championnat de France, devant Max Cohen. Et, fait rare dans ce sport, il réussit aussi bien sa reconversion que sa carrière, s’interdisant tout come-back. Son timbre rocailleux et passionné au micro de la chaîne de cryptée, sa disponibilité, sa gentillesse aussi firent de lui un inlassable défenseur de ce sport qui l’avait porté au firmament. Fondateur et longtemps organisateur de la cérémonie des Gants d’or, il s’est sans cesse évertué à rendre bien davantage que ce qui lui avait été donné.
 

Par Alexandre Terrini
 
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