Au bord des rings de l'Oise, sa silhouette trapue est connue de tous. Il faut dire que l'ancien boxeur professionnel Euloge Sita (19 combats, 12 victoires, 7 défaites entre 1994 et 2000) - que tout le monde surnomme Bob car il a longtemps porté des dreadlocks, à l'instar du chanteur jamaïquain Bob Marley -, reconverti entraîneur, ne rate jamais une réunion organisée dans le département.
Entraîneur expérimenté, Bob Sita a notamment coaché la championne du monde des poids plume Gaëlle Armand. Crédit photo : Christian Segui
Mais aujourd'hui, sa carrière va l'obliger à s'exporter bien au-delà du sud de la Picardie : depuis quinze jours, cet habitant de Neuilly-en-Thelle est le nouveau sélectionneur de l'équipe nationale de boxe de la République du Congo. Son rôle : monter une équipe compétitive de douze boxeurs chargée de défendre les couleurs du pays hôte, à l'occasion des Jeux africains qui se déroulent en septembre prochain à Brazzaville. Le natif de Pointe-Noire, arrivé en France très jeune, avait déjà été approché par la Fédération congolaise en 2012. Mais, à la suite de l'élection d'un nouveau président, la collaboration n'avait pu aboutir. Ce n'était que partie remise : deux ans plus tard, les dirigeants lui ont fait un nouvel appel du pied pour diriger la sélection nationale. Si certains détails logistiques restent encore à régler, l'ancien pro a logiquement accepté. « C'est une fierté, et aussi une reconnaissance, confie celui qui est l'un des rares a avoir battu le champion du monde Mahyar Monshipour (quatre défaites dans sa carrière) en octobre 1997. Et puis, mon rêve a toujours été de faire les Jeux olympiques. Ne pas les avoir faits en tant que boxeur reste une frustration. Et le but de ces Jeux africains, c'est aussi de créer une équipe pour Rio, en 2016 ».
En quelques années, Bob Sita s'est forgé une solide réputation sur le circuit des entraîneurs. Cofondateur du Rahilou Cergy Boxe en 2007, c'est avec le club val-d'oisien qu'il a fait ses premières armes, coachant notamment la championne du monde des poids plume Gaëlle Armand, ainsi que Taoussy L'Hadji (Creil), actuellement seule boxeuse professionnelle de Picardie. Titulaire d'un brevet d'Etat spécialité boxe anglaise, formé à la préparation physique, c'est ensuite en tant qu'indépendant qu'il va proposer ses services. Désormais, il s'occupe de boxeurs tels que le Centrafricain Bruno Bongongo ou le Gabonais Taylor Mabika, champion d'Afrique des mi-lourds. Des pugilistes auxquels Bob Sita n'est pas lié contractuellement, et qu'il entraîne donc... bénévolement. « En France, les boxeurs ne gagnent pas énormément, explique celui qui est également surveillant dans un internat d'Ermont et éducateur sportif pour une association de Cormeilles-en-Parisis. Nous, à notre époque, des boxeurs pros se sont occupés de nous sans qu'on les paye. Par la suite, la boxe a changé ma vie, mon statut social, j'ai pris parfois des belles bourses. Alors, je souhaite faire pareil pour eux ».
Aujourd'hui, à 41 ans, c'est donc vers son pays natal que son parcours l'amène. Un retour aux sources un peu particulier pour celui qui a finalement passé la quasi-totalité de son existence dans l'Hexagone. « Je pars dans l'inconnu, mais je pense qu'on peut arriver à faire quelque chose », souffle-t-il. A condition, selon lui, de miser davantage sur les boxeurs locaux que sur ceux issus de la diaspora. « Les boxeurs qu'on me propose ici ont très peu de combats. Je souhaite plutôt former ceux de là-bas. J'ai proposé de faire une détection nationale au mois de février ». Elle devrait être suivie de trois stages, deux à Cuba et un en Russie. Autant dire que Bob Sita risque de voir du pays durant cette année 2015.
Par : Étienne Martin
Source : Le Parisien