L’ancien champion d’Europe des welters (29 v, 2 n, 3 d) est décédé, à soixante-trois ans, dans la nuit du dimanche au lundi 3 septembre, victime d’une embolie pulmonaire.
Le destin était censé en faire un maçon. Un métier à la dure. Déjà. Mais comme tant d’autres avant et après lui, un copain lui proposa de le suivre dans une salle de boxe. En l’occurrence, celle du tout nouveau BC Creillois créé par André Clerc, entraîneur auquel il restera fidèle jusqu’à ce que dernier ne soit foudroyé par une crise cardiaque. Il faut dire que le succès fut rapidement au rendez-vous avec un titre national en amateurs, décroché sous les yeux de son public, en 1975, face à Louis Acariès. Passé pro dans la foulée tout en continuant à travailler dans le bâtiment, Alain Marion confirma son potentiel et les promesses qu’il avait laissé entrevoir. Deux ans plus tard, le 30 avril 1974, il décrocha, chez les rémunérés, la ceinture de champion de France des welters qu’il conserva aux dépens de Georges Warusfel.

« Alain était très physique et tout le temps sur l’homme, se souvient Joseph Luccisano qui fut son coach à la fin de sa carrière. C’était un battant organisé mais extrêmement technique et rapide de bras même si ce n’était pas un frappeur. Il avait la faculté de s’adapter à son adversaire. » Suffisant pour défier le champion d’Europe, Joerg Eipel. En dépit de la victoire du Picard par KO dans l’ultime reprise, ce combat, d’une grande violence, fut dramatique. Pour le vaincu d’abord qui, après être allé au tapis, fut plongé dans le coma pendant vingt-huit jours. Pour le vainqueur ensuite qui, en dépit de cet exploit titanesque, ne se remit jamais véritablement d’avoir failli commettre le pire. D’ailleurs, ce scénario catastrophe acheva de convaincre les instances européennes du noble art d’abaisser le nombre de reprises des championnats d’Europe de quinze à douze et à exiger la présence d'un médecin au pied du carré magique afin qu’il puisse intervenir à tout moment pour parer au pire. Encore meurtri par cet épisode, le Français perdit d’ailleurs sa couronne continentale dès sa première défaite, en s’inclinant avant la limite devant le Danois Joergen Hansen, le 27 avril 1978, en Scandinavie.
De l’ombre à l’oubli
Ce fut le chant du cygne. Une ultime revers, par KO, contre le Brésilien Everaldo Costa Azevedo, le 3 mars 1979, à Creil, décida l’Isarien, alors en lice pour obtenir une chance mondiale, à tirer sa révérence sur le champ, las des aléas du boxing business. Il avait à vingt-cinq ans. Ses mots sur le ring résument l’essence d’un sport impitoyable qui ne fait aucun cadeaux, même à ses plus valeureux serviteurs : « Non, c’est terminé. Non, c’est trop dur. C’est trop dur de perdre comme ça face aux sacrifices comme j’ai faits. C’est parce que je n’étais pas bien. C’était un combat important pour moi. J’arrête. J’arrête. Non, ça me fait trop mal. A tout le monde, ça fait mal, à ma famille, à tout le monde. Et tout le monde en subit les conséquences. Bien sûr, ma famille en premier. Alors, je crois que je vais arrêter. De toute façon, je gagnerai plus d’argent en travaillant qu’avec la boxe. Je vais chercher du travail. Je ne sais pas au juste. La reconversion, c’est un très très grand problème pour chaque boxeur et je ne sais pas encore exactement. Je ne sais pas du tout. » Un aveu aux allures de prédiction avérée.

En effet, les sirènes du noble art rappelèrent le Picard, en 1982 et 1983, pour un come-back hypothéqué par des problèmes de poids et, de surcroît, guère probant devant des seconds couteaux. Le dernier coup de gong retentit un soir de mars 1983, pour solder une ultime démonstration dont pâtit l’infortuné Bechir Boundka. La suite se déroula dans l’ombre, dans l’oubli diront certains, loin des foules qu’il faisait gaillardement lever du temps de sa gloire éphémère. Les lendemains déchantèrent. Le chômage puis un emploi dans un centre de tri postal à Creil lui permirent d’assurer le quotidien avant qu’un accident du travail à la jambe et une santé déclinante ne contraignent Alain Marion à séjourner en permanence à l’hôpital au cours des deux dernières années de sa vie. En septembre 2017, la ville voisine de Nogent sur Oise inaugura une académie pugilistique à son nom. Il en fut bouleversé, lui qui vivait mal d’avoir été ignoré par les feux de la rampe tant de décennies durant.
Par Alexandre Terrini