Au terme d’un non-match, le Tricolore (13 v, 1 d) n’est pas parvenu à détrôner le Kosovar Labinot Xhoxha, champion d’Europe des lourds (21 v, 1 n), le 7 juin, à Hambourg. Il a, en effet, été battu aux points (115-113, 114-113, 115-112).
On espérait tant, pour lui comme pour la boxe hexagonale, qu’il soit le premier Français champion d’Europe des lourds depuis 1990. Parce qu’il en avait assurément les moyens et le talent. Parce que ce duel au sommet arrivait à point nommé, au bon moment pour valider sa progression depuis qu’il est passé professionnel, au lendemain des Jeux de Tokyo conclus sur une disqualification très douteuse en quart de finale.
Mais, disons-le tout de go, on n’a pas reconnu le Loup blanc qui n’a été que l’ombre de lui-même. Trop gros pour être vrai, lui qui est un homme fort respecté sur le Vieux Continent et qui jouit d’une réputation qui n’a rien d’usurpée.
Meilleur technicien que le tenant, plus complet et doté d’une vitesse d’exécution supérieure sur le papier, le Nordiste avait toutes les cartes en main pour faire la différence, même sans briller. Nettement plus grand que son contradicteur et donc pourvu d’une allonge bien plus conséquente, il lui suffisait de garder ses distances pour déployer à satiété ses longs segments et marquer des touches nettes sans se laisser engluer dans des corps à corps brouillons à l’issue certaine.
On crut que la machine allait se mettre à tourner à plein régime
Simple sur le papier mais visiblement beaucoup moins dans le carré magique. La première reprise laissait déjà entrevoir des failles. Certes, le Français, mobile sur les jambes, donnait son jab et en décousait de loin, tantôt en ligne, tantôt en tournant, mais il manquait singulièrement d’explosivité. Comme qui dirait, cela ne partait pas. Pire, en sortie d’échange qu’il concluait pourtant souvent en sa faveur, il venait ensuite inexplicablement se coller à son rival au risque de faire perdre à ses actions de leur netteté et leur visibilité. On crut que ce n’était là que l’effet d’une crispation temporaire en raison de l’enjeu et qu’une fois totalement débridée, la machine allait se mettre à tourner à plein régime.
Que nenni tant la suite allait de mal en pis. Le Nordiste plantait des banderilles certes prometteuses avant de donner l’impression d’être plus que jamais à la peine. Trop statique comme s’il était privé d’énergie pour se déplacer dans le bon tempo, il laissait son contradicteur se ruer sur lui et passer des séries en crochets des deux mains dont certains trouvaient inévitablement leur cible aux flancs comme au visage. A chaque entame de round, le challenger démarrait comme il convenait, en combinant habilement, avant que le soufflet ne retombe avec son lot d’irrégularités patentes et d’abord, des accrochages qui le desservaient. Sans compter une proportion à appuyer sur l’arrière du crâne de son adversaire qui ne bronchait pas et restait fidèle à son schéma. Ses coups circulaires débités sans modération n’avaient rien d’extraordinaire mais faisaient du Kosovar le protagoniste le plus actif et le plus entreprenant. Qu’importe s’il y avait un peu de déchet et, parfois, un déficit de précision.
« J’ai eu une intoxication alimentaire. J’étais épuisé et très affaibli »
De son côté l’ancien membre de l’équipe de France était parfois méconnaissable, si loin de ses standards habituels. Les remontrances de l’arbitre ne l’empêchaient pas, dans les sixième, huitième et neuvième opus, de pousser à l’excès Labinot Xhoxha dans les cordes et même de le projeter au sol sur un semblant de prise de lutte. Le Ronchinois était incapable de produire la moindre accélération tandis que ses moyens de défense approximatifs, blocages comme esquives, l’exposaient aux uppercuts et aux cross du gauche du champion.
Bref, on sentait qu’à évidence quelque chose clochait. L’intéressé livrait l’explication tant attendue, le surlendemain, sur les réseaux sociaux : « D’homme à homme. J’ai eu une intoxication alimentaire depuis mardi… J’ai perdu plus de cinq kilos en trois jours. J’étais épuisé et très affaibli mais je ne pouvais pas reculer. Impossible de faire marche arrière. Je devais aller au bout. Ce n’était pas ma boxe. Ce n’était pas mon style. Mais je devais être là. » Les juges, eux, n’ont eu d’autre choix que d’accorder une victoire logique à Labinot Xhoxha qui n’a pourtant rien d’un foudre de guerre mais qui a eu le mérite de bien faire ce qu’il sait faire. Un verdict qui laissait le Tricolore dépité. On le comprend.