A l’image de l’ensemble de la société, la FF Boxe vit l’une des périodes les plus incertaines et difficiles de ces dernières décennies. La situation sanitaire est en effet synonyme d’un ralentissement d’activité aux conséquences extrêmement préjudiciables. Dans ce contexte, son Président tient à rappeler certaines vérités et à ne pas laisser tout dire.
Évidemment, la crise sanitaire a eu et continue d’avoir un impact important sur les finances fédérales…
Bien sûr. Prétendre le contraire serait mentir. On me reproche souvent d’être très regardant quant aux dépenses. Si je ne l’avais pas fait, nous serions aujourd’hui en mauvaise posture. C’est justement parce que nous avions constitué des réserves pour faire face à un éventuel coup dur que nous arrivons à maintenir le cap. Jusqu’à quand et dans quelles conditions ? Je ne sais pas. Vu l’incertitude qui règne, il est difficile d’établir un budget prévisionnel viable pour le prochain exercice. Je rappelle que si les comptes fédéraux sont aujourd’hui bénéficiaires, c’est uniquement parce que beaucoup de frais n’ont pas été dépensés ces derniers mois, en particulier ceux qui ont trait aux déplacements des équipes de France, à la participation aux compétitions internationales et à la préparation des Jeux olympiques. Il n’en reste pas moins que nous devons faire face à une baisse conséquente de nos recettes. D’abord parce que depuis quatre mois, plus aucune réunion de boxe professionnelle n’a eu lieu sur le territoire national, ce qui prive la FF Boxe des taxes correspondantes. Par ailleurs, la situation sanitaire demeurant instable dans le pays, il serait illusoire de miser sur une recrudescence du nombre de licenciés. C’est même peut-être l’inverse qui risque de se produire à la rentrée en cas de deuxième vague. A cet égard, la décision tardive de l’État d’autoriser pour tous la pratique pleine et entière des sports de combat ne nous a pas facilité la tâche. Espérons qu’elle sera le préambule d’une normalisation durable. Heureusement que la ministre des Sports a tenu son engagement d’autoriser, le 11 juillet, la pratique de la boxe de manière pleine et entière pour tous. Il eut été préférable que cela se fasse avant mais elle était tenue par les directives du Gouvernement.
« Les comités régionaux ont touché 894 354 euros de la Fédération »
Des voix se font entendre pour reprocher à la Fédération de ne pas avoir suffisamment aidé les clubs pendant la crise sanitaire ni lors du déconfinement. Que leur répondez-vous ?
Qu’elles se trompent. Je rappelle que nous avons fait le choix, dans le cadre de la politique de conventionnement que nous avons mise en place depuis maintenant deux saisons mais aussi conformément aux directives du ministère, de passer par les comités régionaux pour décliner notre politique sur l’ensemble du territoire. C’est donc en direction de ces derniers que nous avons fait des gestes financiers conséquents. Nous leur avons donné les moyens de remplir leurs missions. A charge ensuite, pour eux, de les répercuter sur les clubs et les écoles de boxe de leur ressort géographique. Je n’ai pas pour habitude de donner des chiffres mais il faut quand même savoir que cette saison, l’ensemble des comités régionaux ont touché au total, de la part de la Fédération, 894 354 euros dont près de 82 000 euros pour les Dom-Tom. Ce montant comprend le pourcentage qui leur est reversé sur les licences mais également les ristournes sur les organisations et les dotations dans le cadre du conventionnement. Ce n’est pas rien ! A cela s’ajoute, pour le prochain exercice, l’annulation des frais d’affiliation (soit 160 euros par club) pour l’ensemble des clubs de la Fédération. Soit près de 130 000 euros qui ne seront pas versés à la FF Boxe pour la période 2020-2021. De son côté, notre partenaire premium, la Mutuelle des Sports (MDS), a également joué le jeu en se montrant facilitatrice. Elle a en effet accepté de prolonger, pour les pratiquants, les garanties d’assurance comprises dans la licence 2019-2020 et ce, jusqu’au 31 octobre 2020. A noter que les montants des licences resteront inchangés pour la prochaine saison. A terme, je trouverais pertinent que les licences ne courent non plus sur la saison sportive mais sur l’année civile, ce qui concorderait avec les règles comptables dans la mesure où le budget fédéral ainsi que les dotations ministérielles se déclinent, eux, par année civile.
« Il est hors de question que je verse dans la démagogie »
Plus largement, on vous sent remonté…
On peut toujours juger que tout cela ce n’est pas suffisant mais à un moment donné, le Comité directeur et moi-même sommes les garants de l’équilibre financier de la FF Boxe. Il est hors de question que je verse dans la démagogie et que mon successeur hérite d’une situation déficitaire. Je ne me suis pas battu pendant huit ans pour redresser les comptes de la FF Boxe et lui permettre de retrouver une bonne santé financière pour en arriver là. La rigueur comptable qui est la nôtre a notamment permis, hormis au mois de juin et pour qu’une partie du personnel fédéral, de ne pas recourir au chômage partiel. En outre, tous les salariés de la Fédération ont continué de percevoir l’intégralité de leur salaire. Il faut arrêter de penser et de claironner, notamment en cette période préélectorale, que l’argent coule à flots à la FF Boxe. Les frais de fonctionnement sont conséquents. Rien que la masse salariale représente 500 000 euros par an. Il ne faut pas toujours voir les choses et l’avenir que dans un sens, en fonction de ses intérêts.
La boxe professionnelle se plaint d’être délaissée en ces temps de crise…
Encore une fois, je souhaite clarifier les choses. En début d’année, la Ligue nationale de boxe professionnelle a accepté de prolonger jusqu’à fin février le délai de validité de la licence avant de devoir en contracter une autre pour l’année en cours. Le problème, c’est que certains boxeurs ont combattu jusqu’à début février avec leur licence de 2019 et se sont ensuite bien gardé d’en souscrire une autre. Cela ne les a pas empêchés de toucher leur bourse… Je trouve qu’il s’agit là d’un manque de loyauté. C’est pour cela que quand j’entends certains dire que la Fédération ne fait rien pour la boxe pro, je suis pour le moins surpris, c’est un euphémisme. Néanmoins, il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier. 180 boxeurs élites et 28 femmes ont joué le jeu en se licenciant tandis que 92 en ont fait de même en prenant une licence espoir. Soit, au total, 300 pros contre 471 en 2019. Ceux qui n’ont pas boxé depuis le début de l’année bénéficieront évidemment d’une remise sur le prix de leur licence en 2021.
« Il est impossible que la Ligue soit autonome de la Fédération »
Vous invoquez les chiffres pour battre en brèche des idées reçues récurrentes…
Certains pensent avoir des idées judicieuses en voulant révolutionner les choses. Pourquoi pas sauf que la réalité, en particulier comptable, est têtue. Exemple avec la mise en place de la licence espoir en boxe professionnelle. Son montant a été fixé à 150 euros. Une somme sur laquelle la Fédération ne récupère que… 1,50 euros en terme de trésorerie. En effet, après avoir payé l’assurance de l’athlète, effectué une ristourne à son comité régional et à son comité départemental, acquitté les frais de fonctionnement fédéraux et décompté l’abonnement à France Boxe, il ne reste quasiment rien. Sur une licence professionnelle à 330 euros, une fois que l’on a retranché les mêmes frais, la Fédération ne touche que 127,50 euros. Il ne faut pas croire les propos démagogiques qui sous-entendent que la boxe professionnelle permettrait à la Fédération de se constituer une sorte de trésor de guerre qu’elle utiliserait ensuite à sa guise à d’autres fins.
La Ligue nationale de boxe professionnelle a récemment connu des soubresauts…
Oui. Nous avons commencé à pouvoir les postes des personnes qui ont démissionné. En l’occurrence, son Président Arnaud Romera, Amine Mokhtar-Benounnane, Saïd Bennajem, Paty Gardes et Dominique Nato, lequel a été remplacé par Jean-Michel Brunet en tant que représentant du Comité directeur de la FF Boxe à la Ligue. Je note que quand bien même certains ont revendiqué la prise en compte de leur statut de dirigeant au sein de la Ligue, personne, parmi ses membres, ne se manifeste pour faire quelque chose de concret. Tout le monde critique et veut avoir son mot à dire mais personne ne fait rien. Et ce, alors que les boxeurs n’aspirent qu’à une chose : remonter sur le ring. En outre, je redis que la Ligue ne fait pas vivre la Fédération ! La boxe pro génère, chaque saison, 485 700 euros de recettes et 451 550 de dépenses. Soit un solde bénéficiaire de 34 150 euros. On est loin des centaines de milliers d’euros que l’on se plaît à évoquer… Que la Ligue soit la vitrine du meilleur de boxe professionnelle, celle qui intéresse les télévisions, soit. En revanche, qu’elle soit autonome de la Fédération est impossible. Ce serait la conduire à sa perte et la mener tout droit à la faillite comme cela a été le cas en Italie.
« La structuration du MMA va dans le bon sens »
Craignez-vous que d’ici les prochaines semaines, très peu de personnes se lancent dans l’organisation de galas professionnels ?
Oui. Pourtant, il est possible d’en programmer à huis clos si l’on ne souhaite pas avoir à gérer le public dans la situation sanitaire que nous connaissons actuellement. Je pense que les chaînes de télévision n’y seraient pas hostiles si les oppositions sont de qualité. Aux organisateurs de se montrer innovants, de démarcher les sponsors et les médias sans tout attendre de la Fédération. Sachant que pour les réunions à huis clos, nous ferons une remise de 50 % des taxes fédérales.
Enfin, quoi que l’on en dise, l’incertitude pèse toujours concernant la tenue des Jeux olympiques de Tokyo l’an prochain…
Effectivement. Nous aurons normalement la réponse au cours du dernier trimestre de l’année. Pour l’instant, ce n’est pas encore sûr, pas plus que la tenue du TQO mondial en France, en 2021. Nous avons reçu des courriers positifs du CIO nous assurant que nous en serons bien l’organisateur mais tout dépendra de l’évolution de la pandémie d’ici là. Sachant que ce report n’est pas sans incidence sur le plan comptable. Nous avons investi beaucoup d’argent pour optimiser la préparation de nos athlètes en vue des TQO et des Jeux qui devaient se dérouler cet été. Il ne sera pas évident d’assumer un tel coût une deuxième fois.
Pourtant, tout avait bien commencé pour les Tricolores au TQO de Londres…
Oui, c’était même très bien parti. A un ou deux jours près, nous aurions eu deux ou trois athlètes supplémentaires de qualifiés.
Comment jugez-vous les premiers mois de structuration du MMA sous l’égide de la FF Boxe ?
Je trouve que les choses vont dans le bon sens. A noter que Dominique Nato et Serge Pautot ont été élus pour représenter le Comité directeur de la FF Boxe au sein de la Fédération de MMA français (FMMAF), laquelle sera, dans un premier temps, une commission fédérale. Je rappelle que notre rôle est de créer les conditions pour que, d’ici quatre ans, une fédération de MMA autonome voit le jour.
Propos recueillis par Alexandre Terrini